Ils avaient été prévenus. On leur avait chuchoté dans le creux de l’oreille. On leur avait annoncé à travers les mégaphones placés à côté des lampadaires à travers les villes, les campagnes. Tous avaient entendu du haut de leur gratte-ciel et même dans leur cave. Était-ce une menace ? Était-ce une prédiction ? Nul ne le savait. Ce qu’ils entendaient depuis des heures, quelques jours déjà les faisait tous réfléchir. Ils se regardaient dans le blanc des yeux espérant y trouver une réponse. Quelle qu’elle soit mais une réponse tout de même.
La voix, ni masculine, ni féminine, résonnait dans leur tête et comme un écho leur répétait sans cesse : « Ils aimeront blêmir ».
Qui étaient-ils ? Que voulaient-ils ? Et plus encore que voulaient-ils dire ? Personne ne comprenait la signification de cette affirmation. Certains restaient assis pendant des heures à regarder les passants ou le visage dans leurs mains comme dans une prière. D’autres couraient d’une rue à l’autre, d’une ville à l’autre comme des colporteurs. Tous recherchaient une chose bien précise : une réponse.
Personne n’avait encore bien saisi que cette phrase appelait plusieurs questions et donc, cela va sans dire, des réponses différentes. Personne n’avait non plus saisi qu’à une même question, il pouvait y avoir plusieurs réponses. Prendront-ils la mouche quand ils s’en rendront compte ? Ils n’en étaient pas encore là, toujours perdus dans cet écho qui ne cessait de rebondir.
Pourtant, dans ce chaos de vie ou dans cette vie de chaos ou dans ni l’un ni l’autre, les voleuses s’accrochaient. Pour s’en sortir, elles avaient bouché leurs oreilles et gardé leurs mains propres, lavées, crémées pour pouvoir bien les glisser dans les poches de veston, dans les sacs à main brouillon.
Les élèves désertaient l’école. Qu’avaient-ils vraiment à apprendre puisque tout était dit désormais : « Ils aimeront blêmir ». En attendant, ils jouaient, sautaient, tournaient pour garder des couleurs sur leurs joues. En jouant à cache-cache, Noémie entendit une curieuse question. Appuyé sur le chambranle de son magasin de quartier, l’épicier se grattait la tête et répétait : « Les paysans moisissent-ils ? » Du fond de la boutique, Noémie devina une autre voix répondre : « Tu délires ». L’épicier se questionnait encore et lança : « S’ils moisissent, on n’aura plus rien à vendre ici non plus ! ». Il tenait sa vérité et sa vérité tenait dans ce tourbillon de questions sans réponse.
– Trouvée !
Noémie sursauta. Tom était arrivé tout sourire.
– C’est toi qui comptes. Et c’est à mon tour de me cacher. Au fait, j’voudrais pas dire mais tu t’es pas foulée pour ta cachette.
– Attends, Tom, écoute.
– Non, non, non, Noémie, j’en ai marre d’écouter. Je veux jouer.
– Tom, sérieusement, écoute l’épicier, il a pété un boulon.
– Et ?
– Écoute.
– Noémie, il répète toujours la même chose. Tu crois qu’il nous filera quand même des bonbons gratos ?
– Mais oui, t’inquiète. C’est quand même bizarre, tu trouves pas ?
– Quoi ?
– Ben, tous ces adultes en ce moment.
– C’est vrai, mes parents sont hyper flippés. J’ai dû me faufiler pour sortir jouer avec toi.
– Ouais, je sais, chez moi aussi c’est bizarre. Ma mère m’a même dit de ne pas mettre de crème solaire.
– Ah ouais ? Pourquoi ?
– Chais pas, elle m’a juste dit : « pour ne pas blêmir, mon chat, pour ne pas blêmir. »
– Super chelou, ta mère.
– Ouais, et maintenant c’est l’épicier qui dit n’importe quoi !
– Noémie ?
– Oui.
– J’ai une idée.
– Vas-y, j’t’écoute.
– On devrait enquêter. C’est sérieux comme affaire. Je vais chercher mon carnet et un stylo.
– Tu sais, on peut utiliser nos téléphones aussi.
– Ouais t’as raison. Mais deux précautions valent mieux qu’une, au cas où on aurait un problème de batterie.
– Je vais sonner à ta porte pour distraire tes parents le temps que tu récupères le matériel de détective. Tu penses à prendre la loupe, la poudre pour relever les empreintes et tout et tout.
– Bien sûr, Noémie, on est pro ou on ne l’est pas.
Un quart d’heure après, Noémie et Tom chaussés de lunettes sans verre pour faire plus sérieux commencèrent leur enquête.
Ils aimeront blêmir. Ils aimeront blêmir. Ils aimeront blêmir. Cours de grammaire, de conjugaison et de vocabulaire. Trouvez-moi le sujet. Le verbe.
Alicia lève le doigt.
– Alicia ?
– Le sujet c’est ils.
– Mais qui sont-ils ?
– Ben, ils, troisième personne du pluriel. On ne sait pas si ce ne sont que des hommes, parce que le masculin l’emporte sur le féminin. On ne sait d’ailleurs pas s’il s’agit bien de personnes ce « ils ».
– Très bien, Alicia, très bien. Ça ne nous rassure pas tout ça.
– Oui, Gaëtan.
– Et le verbe, c’est aimer, c’est plutôt cool comme verbe. Sauf que c’est au futur. Au futur de l’indicatif. Certes, ça laisse espérer que ça va vraiment arriver. Mais, Madame, le futur est incertain. Enfin, c’est dans mon manga que c’est écrit.
C’est cool, j’ai réussi mon pari, Timothée, j’ai placé la bulle page 52 du manga pendant le cours, chuchota Gaëtan à son voisin. Tu me dois deux bonbecs !
– C’est bien Gaëtan, aimer au futur de l’indicatif. Je vois que vous révisez tous bien vos leçons. C’est bien. C’est beau. Comme le verbe aimer mais au futur.
– Madame ?
– Oui, Simon.
– Je ne comprends pas pourquoi on aimerait blêmir. Peut-être parce que je ne comprends pas trop le mot blêmir.
– Ah, qui veut expliquer à Simon ?
– Ça veut dire pâlir.
– Ça veut dire avoir peur.
– Ça veut dire perdre des couleurs.
– Perdre son souffle.
– C’est bien ce qui me semblait, Madame, ajouta Simon. Qui aime perdre ? Qui aime avoir peur ?
– Justement Simon, justement, c’est la question que tout le monde se pose.
– Madame ?
– Oui, Noémie.
– Ça peut arriver d’aimer blêmir de temps en temps, non ?
– Peut-être, Noémie, je ne sais pas. A quoi penses-tu ?
– Ben, mon grand-frère, il aime bien regarder des films d’horreur. Il aime bien avoir peur mais pour de faux parce qu’il sait que c’est un film, qu’il y a des effets spéciaux. En plus, il est musicien, il trouve toujours que c’est trop bien fait la musique de fond dans ces films, parce qu’en vrai, sans la musique, on n’aurait même pas peur.
– C’est intéressant, Noémie, c’est intéressant comme point de vue. Oui, Tom, tu voulais ajouter quelque chose ?
– Euh, oui, mais je ne sais pas si je peux vraiment, j’aurais un peu peur de rougir.
– Comme tu veux, Tom, essaie de choisir ton vocabulaire pour être à l’aise avec ce que tu souhaites dire. Ça aide parfois.
– D’accord. Alors voilà, ben moi, quand je suis amoureux, ça m’arrive de perdre tous mes moyens, de bégayer, d’avoir les mains moites, d’être maladroit mais aussi ça m’arrive d’être complètement livide. C’est une façon de blêmir aussi, non ?
– Oui, c’est vrai. C’est mignon Tom. Il y a des amoureux qui rougissent et des amoureux qui blêmissent.
– Alors, Madame, il n’y a pas de raison d’avoir peur ?
– Je ne sais pas Tom, je ne sais pas. Il faudrait peut-être remonter le temps pour savoir, voguer au-dessus des labyrinthes aussi. On trouverait peut-être la solution à nos énigmes.
– Quelles énigmes Madame ? cantonna toute la classe
– Les énigmes de la vie. Les questions qui vont qui viennent. On trouverait peut-être des solutions perchés sur un tapis flottant ou allongés sur un radeau volant.
La sonnerie retentit.
Noémie et Tom se regardèrent longuement en silence.
– Il faut qu’on se retrouve au calme, lança Noémie. On va aller dans ma cachette secrète pour mieux réfléchir. Ils commencent vraiment à dire tous n’importe quoi ces adultes.
– Noémie, tu vas me montrer ta cachette secrète ? Pour de vrai ?
– Ben oui. Mais tu le répètes pas ok ? C’est vraiment une super cachette. Impossible qu’on nous y dérange, tu vas voir.
– Trop cool !
– Tu t’inquiètes pas pour le chemin. Ça prend du temps mais c’est pas long.
Noémie et Tom se retrouvèrent dans la cachette secrète en moins de temps qu’il ne fallait. Tom, inquiet, n’avait pas du tout de souvenir du chemin emprunté. Noémie vit son désarroi mais n’en fit rien. C’était son lieu à elle, son jardin secret. Même si Tom était son amoureux depuis la petite école, elle savait que garder son jardin secret était vital pour elle. Pour détendre un peu l’atmosphère, elle lui dit :
– Tu as vu à côté, il y a la forêt.
– Oui, c’est vrai, c’est joli, c’est vert, c’est frais mais c’est quand même un grand silence qui règne ici.
– Parce qu’il n’y a que moi qui puisse entendre ici.
– Ah, trembla la voix de Tom.
– T’inquiète, on ne reste pas longtemps. Juste le temps de rassembler mes idées. Pour l’enquête tu sais.
– Oui, oui, bien sûr, l’enquête, s’enthousiasma Tom. T’as une piste parce que, de mon côté, ça part dans tous les sens et il n’y a rien de concret, rien qui fasse vraiment du sens.
– Pareil pour moi mais si ça se trouve la clef est justement là.
– Comment ça ?
– Dans tous les sens.
– Je ne comprends pas Noémie. Tu veux en venir à quoi exactement ?
– Je ne sais pas où je veux en venir. Ce que je sais, c’est que les adultes sont bloqués, tous au même endroit, enfin tous sur la même question. Une question à laquelle ils cherchent tous une réponse.
– T’as une piste alors ?
– Oui, je crois. Sortons d’ici.
– Tu entends ?
– Quoi ?
– Les murmures, les chuchotements dans l’air.
– Vaguement.
– Suivons-les. Trouvons d’où ils viennent.
Noémie et Tom se retrouvèrent au centre-ville. Encore une fois, Tom ne comprit pas le chemin qu’ils avaient pris pour revenir de la cachette de Noémie. Pour se rassurer, il lui donna la main.
– On va par où ?
– Chut, écoute.
Noémie leva la tête vers les lampadaires. Elle perçut les grésillements et des mots qui en sortaient. « Ils aimeront blêmir ». Elle s’avança, tirant Tom par la main. Tom regardait autour de lui. Il avait un peu peur que ses copains le voient avec son amoureuse. C’était son secret. Il ne l’avait même pas dit à Noémie.
Le centre-ville était vide. Les cafés fermés, les rideaux de fer cadenassés. Aucun bruit autour d’eux, seul le souffle du vent et le battement de leur cœur qu’ils entendaient chacun cogner de plus en plus fort. Et surtout, ce perpétuel sifflement de mots. Noémie indiqua le chemin en pointant son doigt vers la mer.
– Ça vient de là-bas on dirait, non ? dit-elle à voix basse.
– Allons-y, s’encouragea Tom.
Ils marchèrent d’un pas vif, parfois au milieu de la route, parfois en rasant les murs mais toujours l’oreille tendue. Plus ils s’approchèrent, plus le grésillement devint sourd et fort.
Ils cherchèrent une entrée, un passage, un moyen. Tom s’arrêta net et, d’un coup de menton, montra l’ouverture : une entrée de grotte, une crevasse entre deux roches, une faille entre deux terres. De leur kit de super détective, ils sortirent une lampe torche et s’avancèrent.
Le grésillement s’atténuait un peu mais restait diffus comme l’électricité ou la lumière. Leurs pas résonnaient, leur souffle se saccadait. Ils entendirent le roulement d’une machine, s’arrêtèrent. La peur les prenait aux tripes. Fallait-il avancer, revenir sur ses pas ? Comment percer le mystère s’il en restait là ?
Les deux soufflèrent un bon coup et se dirigèrent à pas plus lents vers le roulement. Noémie émit un cri qu’elle étouffa dans sa paume. Tom la prit dans ses bras. Allongé au sol, un homme ou une femme, ils ne savaient pas trop bien, d’un âge très très avancé, semblait inerte voire mort.
– Madame ?…Monsieur ? tenta Tom. Vous allez bien ? On peut faire quelque chose pour vous ?
Pas un mouvement, pas un bruit à part celui de la machine. Noémie donna un coup de coude à Tom.
– Regarde,…la machine…C’est écrit « générateur de pensées ». Viens voir.
Ils s’approchèrent de la machine en contournant le corps au sol. Tom jeta un œil. La personne avait l’air d’être partie depuis des heures voire quelques jours. Il trouva une couverture sur une chaise et alla la recouvrir. Noémie l’appela :
– Regarde, sur l’écran, c’est écrit « ils aimeront blêmir ». Il y a une flèche mais qui n’indique rien. On dirait que c’est bloqué.
Tom s’appuya sur la table et, par mégarde, tapa sur une touche. Sur l’écran apparut le nom de quelqu’un qu’ils ne connaissaient pas. Puis une autre phrase apparue « Nous adorions la couleur » sans destinataire non plus. Un nous, un passé simple cette fois. Encore une pensée qui amènerait des questions.
– Noémie ?
– Oui ?
– Je crois que j’ai compris.
– Moi aussi.
– C’est un générateur de pensées qui vont et viennent dans l’esprit des gens mais normalement c’est fluide, ça va, ça repart et ce n’est pas arrêté sur tout le monde en même temps, dirent-ils à l’unisson. Une pensée est éphémère, elle peut revenir mais elle passe comme les nuages dans le ciel. Il faut qu’on répare cette machine pour que les adultes aillent mieux, qu’ils ne soient pas figés dans la même pensée perpétuellement.
Noémie et Tom s’y attelèrent avec un enthousiasme d’adolescent amoureux, celui qui refait le monde et en fait un monde meilleur. « Nous faisons le poids » apparut sur l’écran à leur attention.
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PUBLICATIONS DES PARTICIPANTS
J’ai fréquenté durant plusieurs années les ateliers d’écriture Sous les Toits de Cécile et Philippe, que je viens de retrouver en novembre avec Les Petits Papiers. Depuis la pandémie, je me suis lancée un peu plus « sérieusement » dans l’écriture et mené certains projets à bien. Après « le Fils de l’autre », que j’ai déjà présenté sur ce blog, « Avenue du Père-Lachaise » est mon deuxième roman. Il est né de ce qui devait, au départ, être un recueil de nouvelles. Celles-ci étaient souvent liées les unes aux autres en une sorte de « suite », je les ai remaniées pour en faire cet OLNI (objet littéraire non identifié), qui a trouvé son éditrice, les Editions Marie Romaine, https://www.editionsmarieromaine.fr/. Ce roman choral est sorti en janvier 2024. En voici le pitchDeux femmes, trois hommes, un lieu : le cimetière du Père-Lachaise, à Paris. Au fil de ce roman, des vies se télescopent, des destins se lient, des êtres se trouvent ou se séparent. Les personnages rebondissent d’un chapitre à l’autre, tous réunis dans cette mystérieuse nécropole par l’absence, le manque, le deuil, l’espoir d’une renaissance. Si la mort a un jour croisé leur chemin et redessiné leur parcours, sa présence n’arrive jamais à obscurcir cette valse mi-joyeuse, mi-tragique, au terme de laquelle l’un d’eux va disparaître.Et le lien pour découvrir le livre : https://www.editionsmarieromaine.fr/product-page/avenue-du-p%C3%A8re-lachaise-monique-blond Merci pour votre lecture !
La danse du papillon provient d’un texte court produit pendant un atelier d’écriture que j’avais suivi il y a une trentaine d’années. Par la suite, j’ai repris cet écrit à plusieurs reprises, tout en rédigeant d’autres textes sans rapport avec cette ébauche. C’est plus tard que, disposant de temps et de disponibilité d’esprit, j’ai ressorti de mon ordinateur les brouillons successifs du petit texte initial pour travailler encore et encore une histoire dont je ne savais pas très bien où elle allait. Et petit à petit, quelque chose a commencé à prendre forme, qui s’était éloigné du tout premier texte d’atelier, qui puisait aussi dans d’autres textes moins anciens et se nourrissait de fragments nouveaux, parmi lesquels des ébauches écrites pendant des séances de l’Atelier sous les toits. Le soir, des personnages s’invitaient dans mes rêveries, rechignant parfois contre ce que je venais de leur faire faire ou contre le prénom que je leur avais donné, formant petit à petit l’histoire à ma place. Je griffonnais quelques notes et le lendemain, j’essayais de traduire ces notes en écriture… essais parfois fructueux, pas toujours ! Parvenir à la forme aboutie de La danse du papillon m’a pris plus de six ans. Si je reviens sur ce travail d’écriture, je peux distinguer plusieurs aspects. D’abord, le travail de la phrase : portée à écrire de longues phrases pleines de digressions et d’incises dans tous les sens, j’ai dû énormément les retravailler. Pendant plusieurs années, j’écrivais chaque jour un ou deux paragraphes, ou seulement deux ou trois lignes, et je les raturais et les réécrivais indéfiniment les jours suivants en me disant que c’était nul, et moi avec. L’écriture de La danse du papillon m’a servi d’exercice d’écriture mais aussi, en étant aussi quotidiennement présente, m’a coupée d’autres formes, comme par exemple la forme poétique dont je me suis éloignée à regret. Ensuite le travail de la structure : comment organiser l’histoire, présenter les évènements, ménager un certain suspens. Longtemps, le récit n’avait aucune structure, probablement aussi parce que les grandes lignes de l’histoire n’étaient pas encore clairement définies. Puis, quelque chose a « pris » et la structure est apparue. Evidemment, je n’avais pas fait de frise chronologique et mes personnages apparaissaient n’importe quand, à rebrousse-temps : pourquoi pas, en théorie, un récit temporellement déstructuré, mais cela ne se prêtait pas à l’histoire que je voulais raconter. Je me suis donc emmêlé les pinceaux jusqu’à ce que ça tienne à peu près et que je déclare la structure achevée. Désireuse d’en finir, je n’ai pas écouté la petite voix intérieure qui tentait de me dire qu’en fait la structure était bancale. Cécile, à qui j’ai confié la relecture de la première version de ce récit dans le cadre de l’Atelier Face à Face, m’en a aussitôt fait la remarque. Il a fallu me remettre à la tâche, couper, tailler et retailler et m’apercevoir qu’avec la nouvelle combinaison, ça ne collait plus, des évènements se produisent dans le mauvais sens, des gens mouraient avant d’être nés etc…. Finalement, ça c’est fait, en quelques mois. La manuscrit terminé, j’en ai éprouvé à la fois de la joie et de la légèreté. Je n’avais pas l’idée que cet écrit puisse être publié. Je l’ai offert à mes proches en format A4 et c’est de mon entourage qu’est venu l’encouragement à chercher un éditeur… J’ai mis du temps à faire la démarche, je ne me sentais pas légitime et je me demandais ce qu’un bouquin de plus viendrait ajouter à des masses et des masses de livres publiés chaque semaine…. Nombreux ont été les refus implicites (pas de réponse sous 4 mois signifie un refus) et les refus par courrier, certains assortis de commentaires encourageants, jusqu’à ce que les éditions de l’Harmattan acceptent de le publier. Je continue à me demander si publier est une fin en soi : ce qui a compté le plus, c’est d’avoir écrit. Mais maintenant, je ne peux plus faire abstraction du fait que ce livre est publié et c’est vrai que savoir son texte lu par d’autres yeux, d’autres oreilles, par des âmes éloignées que l’on ne connaît pas, et parfois en recevoir un témoignage, c’est tellement fort ! D’une certaine façon, on en fait l’expérience à une autre échelle en atelier d’écriture ou dans le blog de l’Atelier : le partage de ce que l’on a écrit, le retour des lecteurs ou des auditeurs (selon la forme de l’atelier) est une expérience du risque, de la remise en question mais aussi du partage et de la joie. La danse du papillon se commande dans toutes les librairies, sur les sites de vente en ligne et sur le site des éditions de l’Harmattan : https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_danse_du_papillon_aliette_zumthor_sallee-9782140294846-74491.html
Tout est parti d’un courrier de lecteur, découvert en septembre 2019 : un professeur de physique-chimie reconnaît, dans sa classe, le fils de son ancien harceleur, qui ressemble trait pour trait à son père. Il s’inquiète auprès de la psychologue de sa réaction possible envers cet élève : ne sera-t-il pas tenté de lui faire payer les persécutions du père, même inconsciemment ? La thérapeute lui répond, entre autres choses, qu’il y a là matière à écrire un roman ! Le samedi, à l’atelier Petits Papiers, chez Cécile et Philippe, je choisis d’écrire un texte inspiré de cette histoire, au gré des fameux « petits papiers ». Les retours plutôt positifs m’encouragent à peaufiner à la maison ma nouvelle Le Portrait de son père, que j’envoie à trois ou quatre revues. L’envie d’aller plus loin ne me quitte pas et je m’inscris à un atelier Premier Roman (en formation pro), pour transformer la nouvelle en roman. En avril 2020, la revue Brèves m’appelle pour m’informer qu’elle souhaite publier Le Portrait de son père dans son numéro 116 (collectif « Jeunesse »). Cela renforce encore ma motivation pour le roman, dont j’achève le premier jet en juin. Je poursuis la réécriture les mois suivants. En plus des retours obtenus en atelier, je fais « diagnostiquer » mon texte en janvier 2021 par un site professionnel, puis, après l’avoir remanié, je commence à envoyer mon manuscrit à des éditeurs en septembre 2021, assorti d’une lettre de présentation longuement travaillée, d’un synopsis, etc. Je continue mes envois jusqu’en mars 2022. Sur la quarantaine d’éditeurs contactés, j’obtiendrai six réponses, toutes négatives, mais parfois encourageantes (quand même !). Enfin, en avril 2022, un éditeur (IGB) me téléphone : il a aimé mon roman, mais attend d’avoir l’avis de son comité de lecture et de son associée pour me donner un accord définitif. La même semaine (!), les Editions Il est Midi me contactent à leur tour pour me proposer directement un contrat. C’est avec eux que je signe, en juin 2022. Mon roman, le Fils de l’autre, sort le 10 octobre. L’expérience a été intéressante, même si le livre n’est vendu que sur commande (en librairie, à la Fnac, chez Amazon et sur tous les sites marchands), donc peu visible. Par ailleurs, Il est Midi n’organise pas de dédicaces et ne participe pas à des salons. Enfin, je n’ai jamais rencontré mes éditeurs, nous n’avons échangé que par mail et au téléphone. J’ai donc réalisé moi-même mon dossier de presse et obtenu deux chroniques (sur Femina.fr et Télé-7-Jours) et deux interviews. Un club de lecture, à Pierrefonds, m’a également invitée à une journée de présentation, et je me suis inscrite à deux salons en 2023 (réponse en attente). L’aventure continue, sans bruit, mais c’est formateur… Encore merci à Cécile et Philippe, dont l’atelier Petits Papiers m’a permis de poser les jalons de mon projet. Je leur ai même volé une très jolie phrase, tirée au hasard des « petits papiers » et que j’ai gardée dans le roman, bien évidemment ! Monique Coant-Blond Pour en savoir plus sur le livre, n’hésitez pas à aller sur mes pages Facebook https://www.facebook.com/profile.php?id=100082078084319 et Instagram https://www.instagram.com/emsie_blond/?hl=fr ou, pourquoi pas, sur le site de l’éditeur https://editions-il-est-midi.eproshopping.fr/1740324-LE-FILS-DE-L-AUTRE-Monique-Coant-Blond
LIVRES AIMÉS
J’ai aimé l’atmosphère; j’ai souri ; j’ai admiré le style; j’ai râlé de frustration lorsque je découvrais les personnages petit à petit et non bien campés en début de livre ; j’ai frémi devant le suspens de l’histoire et des personnages; je me suis laissée bercer par l’ambivalence constante entre rêve et réalité; j’ai été touchée quand j’ai enfin compris les visites d’amitié et de souvenirs de ce groupe hétéroclite et j’ai même versé une larme en refermant le livre.
En passant dans le rayons BD (au RDC, pour les grands, pas au 3e chez les enfants) d’une médiathèque, je me suis arrêtée sur Profession du père, de Sébastien Gnaedig. C’est une adaptation du roman de Sorj Chalandon. Je vous le dis tout de suite : je n’ai pas lu la version sans images. Mais la version adaptée a renforcé l’envie de la découvrir, même si je peux m’attendre à une violence accrue. En noir et blanc, en quelques dessins, l’intensité est présente. La dérive d’une homme dans une période sombre de l’histoire de France. « Les événements » dans nos livres d’histoire, pour ne pas dire « la guerre » d’Algérie. Je ne sais pas ce qu’en pensent celles et ceux qui ont lu S. Chalandon. Cette adaptation est une introduction, une ouverture. Profession du père est publié aux éditions Futuropolis en 2018.
Le point de départ de l’auteure est que nous avons été, ou serons, toutes et tous un jour confrontés à la mort de notre mère. La narratrice, journaliste célibataire de 31 ans, décrit ce qui l’oppose à sa sœur, mariée, 2 enfants. Leur mère meurt brutalement. Assassinée. Le lecteur suit avec la narratrice l’enquête, les arrangements pour vider la maison, ce que deviennent les relations familiales et sociales lorsque l’on perd sa mère aussi dramatiquement. Des secrets vont au fil des pages transformer des vérités jusqu’ici bien établies. Il y a beaucoup d’humour dans ces pages. Et des rebondissements. Le récit m’a parlé, souvent. Mère disparue est paru en 2007, édité par les éditions Philippe Rey.
Trois livres en forme de trilogie de Deborah Levy, auteure sud-africaine vivant en Grande-Bretagne : Le goût de la vie, Ce que je ne veux pas savoir et Etat des lieux. Les ouvrages sont traduits par Céline Leroy. Une écriture très ancrée dans la vie, mais en même temps très subtile, où l’auteure à la fois s’interroge sur la présence du passé dans le présent, et très souvent décale notre regard sur des évènements très simples et quotidiens pour en dégager un aspect neuf. Elle y excelle lorsqu’elle questionne, sans verser dans la démonstration, les rapports de genre, son travail d’écrivaine, ses rêves non réalisés. Elle est souvent drôle, légère et toujours intéressante. Merci à la traduction excellente.
Le cercle des menteurs ou Contes Philosophiques du monde entier rapportés par Jean-Claude Carrière. Habituellement, le terme de « contes philosophiques » me donne envie de rebrousser chemin car c’est un genre dont le ton appuyé, l’intention de donner des leçons produit souvent des textes ennuyeux et « voulus » (ce n’est que mon avis !). Ici, c’est tout le contraire : histoires courtes, du conte à la blague, racontées avec le brio qu’a Jean-Claude Carrière pour s’exprimer. Si l’on connait sa voix, on a l’impression en lisant qu’il est présent et qu’il conte à haute voix. Le premier comme le deuxième tome sont des régals. (en photo le deuxième tome)
Un texte très court (78 pages) sur la maladie contractée à son travail par le père du narrateur. Ce que j’ai aimé dans cette écriture, c’est que sous l’apparente pauvreté émotionnelle du texte, l’auteur, en nous livrant la stricte description des faits et gestes des protagonistes, sans à aucun moment ne juger quiconque, nous laisse toute la place pour mobiliser notre propre émotion et penser par nous-mêmes.
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