Crépuscule

– Qu’est-ce que c’est ? demande Cléo en regardant la pipette.

– Notre salut, répond Alma en déposant sur son poignet quelques gouttes de liquide translucide.

Pour appuyer sa déclaration, Alma entrouvre le rideau. Un rai de lumière, aussi fin qu’une aiguille, balafre la pièce plongée dans le noir. Cléo retient son souffle tandis qu’Alma place son bras sous le rayon. Elle s’attend à le voir cloquer, noircir, crépiter et tomber en cendres. Au lieu de ça, rien. Pas une trace, pas une brûlure.

– Comment est-ce possible ? souffle Cléo. Une lumière nouvelle brille dans ses yeux, lueur avide, éclat tranchant dans sa pupille de velours.

– La question est : es-tu prête, Cléo ? Prête à ressortir dans le monde diurne ? prête à te nourrir sans excès et à respecter notre code ? prête à rester impassible au milieu des jugulaires battantes et des cœurs gorgés de sang ?

Alma, flamboyante au milieu des ténèbres. Elle en est le parfum, l’incarnation. Cléo se souvient encore de la chaleur de sa morsure, au creux de son cou. Elle regarde le filet de lumière. Chasser le jour, marcher parmi les vivants, choisir ses proies. Ne plus se cacher pour mieux disparaître.

La nuit viendra dévorer le jour, coulera dans les rues, le long des chemins, des routes, jusque dans les jardins, les maisons, les placards. La lumière cessera d’être un abri et les foules insomniaques, éreintées, se rendront d’épuisement. Régner de l’aube au crépuscule, main dans la main.

– Je suis prête, répond Cléo.

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