Une tasse d’arabica à la main, Gabriel glisse d’un rayon à l’autre. C’est la première fois qu’il vient, c’est la première fois qu’il ose toucher des lettres, des cotes, des étagères. Il souffle sur sa tasse pour se rassurer. Il a dû se lever très tôt pour venir à ce club de lecture. Il aime qu’on lui raconte des histoires. Mathilde, du bureau, lui avait donné les informations oralement, heureusement. Il était là à attendre que les gens arrivent. Des poufs, des canapés, des chaises étaient placés plus ou moins aléatoirement.
Il est l’heure. Gabriel remarque les habitués, qui ont leur place, celle en face du portrait de Picasso, celle dos à lui. Il attend que chacun s’installe pour prendre la dernière place. Il avait repéré un pouf avachi, d’une couleur vive un peu ternie. Il le fixe et soupire dans sa tête à chaque fois qu’un participant s’assoit ailleurs. Tout le monde est assis sauf lui, le pouf est libre, il s’avance tranquillement, content d’avoir sa place.
Il remarque soudain qu’ils ont tous un livre à la main, peut-être le même, il n’est pas sûr. Il y en a des écornés, des poches, des éditions limitées, des pleins de post-it fluo. Il y a même des gens avec un petit carnet et un crayon, prêts à dégainer.
Gabriel souffle sur son café, pourtant froid maintenant, pour se rassurer. A-t-il bien compris ce que lui avait dit Mathilde ? Il était venu pour qu’on lui raconte des histoires…
La bibliothécaire salue tout le monde et dit : je vois que nous avons de nouvelles personnes aujourd’hui. Faisons un tour des prénoms. Bonjour, je m’appelle Romane. Bonjour, Thomas. Bonjour, Mélodie. Bonjour, Marianne. Bonjour, Nour. Bonjour, Denaya. Bonjour, Julien. Bonjour, Kevin. Bonjour, Jane. Tous les yeux sont rivés sur Gabriel. Il rougit. Les autres lui sourient, l’encouragent. Il baisse ses épaules et dit Bonjour, Gabriel.
La bibliothécaire reprend la parole : bienvenue à tous. Gabriel se demande comment elle s’appelle. Elle a un petit badge blanc avec un petit logo à gauche et des lettres après. Le dessin est le même sur tous les badges, ce n’est pas comme à l’école maternelle où chacun avait un petit dessin différent : une fleur, un papillon, une voiture, un lapin, une tortue, un parapluie. Il trouvait ça joli quand il était petit et au moins, il posait toujours son manteau et son écharpe à la bonne place, à sa place.
La bibliothécaire continue de parler : Alors, pour aujourd’hui, on devait lire « Orgueils et préjugés » de Jane Austen. Gabriel se tourne vers la dame qui avait annoncé s’appeler Jane.
Il s’émerveille, il attend qu’elle lise son histoire. Le titre est déjà plein de promesses. Sa tasse de café est vide. Il la pose à ses pieds. Il fixe Jane mais c’est Marianne qui prend la parole. Son livre est plein de post-it, sur chaque page, des mots, des phrases soulignés, des annotations sur le côté.
Gabriel s’interroge : on a le droit de faire ça dans les livres ? Il se perd dans ses pensées. Il n’écoute pas la logorrhée de Marianne. Il remarque juste qu’elle ne respire pas quand elle parle. Elle parle de manière saccadée. Sa voix n’est pas agréable du tout. Il repart dans une rêverie : de petits dessins sur des porte-manteaux.
Le dessin de Gabriel, c’était une coccinelle. Il aimait beaucoup sa petite coccinelle et comme il n’arrivait pas à prononcer le son ks, il lui avait donné un petit nom qu’il arrivait à dire. Il avait longuement réfléchi. Il avait pensé lui donner le prénom de son amoureuse, mais il avait un cœur d’artichaut et il changeait d’amoureuse trois fois par jour. Il avait continué à chercher et tous les matins, à chaque récréation, il lui disait : petite cossinelle, je vais bientôt te trouver un joli nom. Est-ce que tu sais comment tu veux t’appeler ? Il lui envoyait un petit bisou avec la main et partait jouer dans la cour ou retournait en classe.
Le matin, il espérait entendre une autre façon d’appeler sa coccinelle. Il entendait des parents parler une autre langue que le français, mais il devinait qu’ils ne disaient que le nom du dessin de leur enfant. Il était un peu triste que sa cossinelle n’ait pas de petit nom.
Gabriel sort brièvement de sa rêverie, car la voix a changé, la voix a mué. C’est Thomas qui parle, magistralement. Il lui rappelle son maître de CM1. Il ne comprend pas pourquoi personne ne laisse parler Jane, c’est quand même son histoire. Il jette un œil sur le côté, Jane n’en a pas l’air offusqué, elle hoche la tête de temps en temps.
Gabriel enfonce ses mains dans les poches de sa veste. Personne n’a vraiment remarqué qu’il n’avait pas de livre sur lui. Autant ne pas attirer l’attention. Dans une des poches, un papier, il le sort, le déplie délicatement pour ne pas faire de bruit. Dessus, une liste de dessins. A la maison, la veille, Agathe lui avait demandé de faire des courses au marché après le club de lecture. Il lui avait demandé ce dont elle avait besoin et il avait dessiné : des fraises ; des pommes ; des oignons, il avait ajouté des traits dans le rond pour ne pas confondre avec les pommes ; des bananes ; des carottes ; des tomates qu’il avait dessinées en rouge pour être sûr ; des courgettes et des concombres. Il dessinait toujours les deux ou, en tout cas, même s’il n’y avait qu’un dessin, il prenait les deux, ça se ressemblait un peu trop. Il paierait en carte bleue, sans contact. Ça lui avait sauvé la mise à plusieurs reprises.
Thomas a fini de parler. La bibliothécaire essaie de donner la parole à d’autres participants. Tout le monde a l’air de savoir que ce club de lecture, c’est le one-woman-show ou one-man-show de Marianne et Thomas. Il n’y a pas de temps de parole attitré. Un peu comme dans les réunions de service au bureau, se dit Gabriel, c’est toujours les mêmes qui parlent. Lui, il préfère écouter, rester en retrait.
Il est quand même contrarié parce que personne ne raconte d’histoires ce matin à la bibliothèque. Il tourne la tête et dans une autre pièce, il voit des enfants allongés sur le ventre, d’autres sur les genoux de leur parent, d’autres qui sucent leur pouce et une dame au milieu avec un grand livre ouvert.
C’était peut-être là-bas qu’il aurait dû aller ce matin, se dit-il. C’est là-bas que la dame raconte des histoires. Il ira samedi prochain avec sa nièce. Gabriel a bien vu qu’il fallait absolument être accompagné d’au moins un enfant. Il espère qu’Agathe le laissera y aller avec sa fille. Elles sont venues en vacances à Paris pour quelques semaines, parce que c’était trop cher d’aller à la mer, trop cher d’aller à la campagne, trop cher d’aller à la montagne. Et puis, Paris restera toujours Paris, lui avait dit sa sœur pour justifier son incruste.
Il aime bien sa nièce, elle a plein de livres et de cahiers avec plein de mots écrits. Il la voit s’appliquer, changer de couleur. Il aime sa créativité. Il a l’impression qu’elle choisit la couleur du stylo en fonction du mot qu’elle écrit. C’est une bonne idée, il trouve. Parfois, elle dessine des petites fleurs ou des petits cœurs au-dessus des mots.
Le groupe se lève. Jane n’a pas parlé de son histoire. Gabriel n’ose pas lui demander. Il dit au revoir en baissant la tête doucement. Marianne lance un « à la semaine prochaine, Babou, merci ». La bibliothécaire lui fait un signe de la main. C’est pas un vrai prénom, Babou, pour une bibliothécaire, pense Gabriel. Il est un peu déçu, il aurait parié sur un autre prénom pour elle. Dans sa tête, elle s’appelait Chantal, Marie-Claire ou un truc comme ça, mais pas Babou.
Le samedi suivant, Gabriel se lève encore plus tôt. Sa nièce aussi s’est levée tôt. Il lui prépare un chocolat chaud et lui tartine deux tranches de baguette avec du beurre et de la confiture d’abricots. Camélia ne parle pas beaucoup le matin, elle ne parle pas beaucoup souvent. Gabriel n’est pas certain d’avoir déjà entendu le son de sa voix.
Ils arrivent à la bibliothèque avant l’ouverture. Camélia a pris son petit sac à dos dans lequel elle a mis son cahier à paillettes, une trousse avec tous ses crayons et ses feutres, son doudou et son livre préféré. Les portes automatiques s’ouvrent enfin. Gabriel et Camélia montent s’installer dans la salle de lecture. Cette fois-ci, Gabriel choisit sa place en premier, en accord avec sa nièce, d’un simple regard échangé : Camélia s’assoit sur un petit fauteuil avec des accoudoirs rouge cerise et Gabriel sur le pouf bleu ciel en forme de haricot géant, juste à côté. Devant Camélia, il y a une petite table, elle sort son cahier, ses feutres, son livre. Gabriel la laisse dessiner, écrire, il regarde autour de lui l’explosion de couleurs, de dessins, les casiers remplis de livres.
Ils sont très en avance. Camélia ferme son feutre et le replace dans sa trousse. Elle s’installe plus profondément dans son fauteuil rouge cerise et ouvre son livre. Elle tourne les pages silencieusement. Gabriel aimerait lui demander de lire à haute voix, mais il n’ose pas.
Ça s’agite soudain autour d’eux, des enfants, des parents arrivent. Le silence est brisé. Ça rit, ça pleure, ça parle, ça crie, ça court, ça saute.
La bibliothécaire arrive avec son badge blanc avec le petit logo à gauche. Ce n’est pas Babou, c’est une autre dame très douce, très jolie, ses cheveux longs sont à moitié attachés, à moitié lâchés. Gabriel aime cet entre-deux. Elle a pris plusieurs livres, elle s’assoit au milieu du groupe.
Comme un jeu de chaises musicales, les enfants s’approprient un espace, lèvent les yeux vers elle et se taisent. Bonjour les enfants, bonjour les accompagnants. J’espère que vous allez bien. Aujourd’hui, j’ai pris quelques livres avec moi sur le thème des petites bêtes et des insectes. Ça vous plaît ? Ouiiii, crient les enfants tous en chœur. Camélia a des étoiles plein les yeux. Elle applaudit silencieusement.
Je reconnais quelques enfants et des petits nouveaux. On fait un petit jeu des prénoms ? Tous les enfants crient leur prénom en même temps en levant la main. La bibliothécaire sourit et attrape le regard de Camélia. Gabriel dit : elle s’appelle Camélia, comme la fleur. Très bien, bienvenue Camélia, je m’appelle Ruby. Enchantée. Alors, les enfants, on commence ?
La voix de Ruby est douce, envoûtante. Gabriel boit ses paroles.
Et si on commençait par l’histoire de la KO-KSI-NELLE, c’est dur à dire ce mot, les enfants, non ? KO-KSI-NELLE ! Ouiiii, encouragent les enfants, l’histoire de la cossinelle, l’histoire de la cossinelle !
Le cœur de Gabriel s’arrête, il se souvient. Il parle tout haut et dit : Ruby, c’était le nom de ma cossinelle à la maternelle !
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PUBLICATIONS DES PARTICIPANTS
J’ai fréquenté durant plusieurs années les ateliers d’écriture Sous les Toits de Cécile et Philippe, que je viens de retrouver en novembre avec Les Petits Papiers. Depuis la pandémie, je me suis lancée un peu plus « sérieusement » dans l’écriture et mené certains projets à bien. Après « le Fils de l’autre », que j’ai déjà présenté sur ce blog, « Avenue du Père-Lachaise » est mon deuxième roman. Il est né de ce qui devait, au départ, être un recueil de nouvelles. Celles-ci étaient souvent liées les unes aux autres en une sorte de « suite », je les ai remaniées pour en faire cet OLNI (objet littéraire non identifié), qui a trouvé son éditrice, les Editions Marie Romaine, https://www.editionsmarieromaine.fr/. Ce roman choral est sorti en janvier 2024. En voici le pitchDeux femmes, trois hommes, un lieu : le cimetière du Père-Lachaise, à Paris. Au fil de ce roman, des vies se télescopent, des destins se lient, des êtres se trouvent ou se séparent. Les personnages rebondissent d’un chapitre à l’autre, tous réunis dans cette mystérieuse nécropole par l’absence, le manque, le deuil, l’espoir d’une renaissance. Si la mort a un jour croisé leur chemin et redessiné leur parcours, sa présence n’arrive jamais à obscurcir cette valse mi-joyeuse, mi-tragique, au terme de laquelle l’un d’eux va disparaître.Et le lien pour découvrir le livre : https://www.editionsmarieromaine.fr/product-page/avenue-du-p%C3%A8re-lachaise-monique-blond Merci pour votre lecture !
La danse du papillon provient d’un texte court produit pendant un atelier d’écriture que j’avais suivi il y a une trentaine d’années. Par la suite, j’ai repris cet écrit à plusieurs reprises, tout en rédigeant d’autres textes sans rapport avec cette ébauche. C’est plus tard que, disposant de temps et de disponibilité d’esprit, j’ai ressorti de mon ordinateur les brouillons successifs du petit texte initial pour travailler encore et encore une histoire dont je ne savais pas très bien où elle allait. Et petit à petit, quelque chose a commencé à prendre forme, qui s’était éloigné du tout premier texte d’atelier, qui puisait aussi dans d’autres textes moins anciens et se nourrissait de fragments nouveaux, parmi lesquels des ébauches écrites pendant des séances de l’Atelier sous les toits. Le soir, des personnages s’invitaient dans mes rêveries, rechignant parfois contre ce que je venais de leur faire faire ou contre le prénom que je leur avais donné, formant petit à petit l’histoire à ma place. Je griffonnais quelques notes et le lendemain, j’essayais de traduire ces notes en écriture… essais parfois fructueux, pas toujours ! Parvenir à la forme aboutie de La danse du papillon m’a pris plus de six ans. Si je reviens sur ce travail d’écriture, je peux distinguer plusieurs aspects. D’abord, le travail de la phrase : portée à écrire de longues phrases pleines de digressions et d’incises dans tous les sens, j’ai dû énormément les retravailler. Pendant plusieurs années, j’écrivais chaque jour un ou deux paragraphes, ou seulement deux ou trois lignes, et je les raturais et les réécrivais indéfiniment les jours suivants en me disant que c’était nul, et moi avec. L’écriture de La danse du papillon m’a servi d’exercice d’écriture mais aussi, en étant aussi quotidiennement présente, m’a coupée d’autres formes, comme par exemple la forme poétique dont je me suis éloignée à regret. Ensuite le travail de la structure : comment organiser l’histoire, présenter les évènements, ménager un certain suspens. Longtemps, le récit n’avait aucune structure, probablement aussi parce que les grandes lignes de l’histoire n’étaient pas encore clairement définies. Puis, quelque chose a « pris » et la structure est apparue. Evidemment, je n’avais pas fait de frise chronologique et mes personnages apparaissaient n’importe quand, à rebrousse-temps : pourquoi pas, en théorie, un récit temporellement déstructuré, mais cela ne se prêtait pas à l’histoire que je voulais raconter. Je me suis donc emmêlé les pinceaux jusqu’à ce que ça tienne à peu près et que je déclare la structure achevée. Désireuse d’en finir, je n’ai pas écouté la petite voix intérieure qui tentait de me dire qu’en fait la structure était bancale. Cécile, à qui j’ai confié la relecture de la première version de ce récit dans le cadre de l’Atelier Face à Face, m’en a aussitôt fait la remarque. Il a fallu me remettre à la tâche, couper, tailler et retailler et m’apercevoir qu’avec la nouvelle combinaison, ça ne collait plus, des évènements se produisent dans le mauvais sens, des gens mouraient avant d’être nés etc…. Finalement, ça c’est fait, en quelques mois. La manuscrit terminé, j’en ai éprouvé à la fois de la joie et de la légèreté. Je n’avais pas l’idée que cet écrit puisse être publié. Je l’ai offert à mes proches en format A4 et c’est de mon entourage qu’est venu l’encouragement à chercher un éditeur… J’ai mis du temps à faire la démarche, je ne me sentais pas légitime et je me demandais ce qu’un bouquin de plus viendrait ajouter à des masses et des masses de livres publiés chaque semaine…. Nombreux ont été les refus implicites (pas de réponse sous 4 mois signifie un refus) et les refus par courrier, certains assortis de commentaires encourageants, jusqu’à ce que les éditions de l’Harmattan acceptent de le publier. Je continue à me demander si publier est une fin en soi : ce qui a compté le plus, c’est d’avoir écrit. Mais maintenant, je ne peux plus faire abstraction du fait que ce livre est publié et c’est vrai que savoir son texte lu par d’autres yeux, d’autres oreilles, par des âmes éloignées que l’on ne connaît pas, et parfois en recevoir un témoignage, c’est tellement fort ! D’une certaine façon, on en fait l’expérience à une autre échelle en atelier d’écriture ou dans le blog de l’Atelier : le partage de ce que l’on a écrit, le retour des lecteurs ou des auditeurs (selon la forme de l’atelier) est une expérience du risque, de la remise en question mais aussi du partage et de la joie. La danse du papillon se commande dans toutes les librairies, sur les sites de vente en ligne et sur le site des éditions de l’Harmattan : https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_danse_du_papillon_aliette_zumthor_sallee-9782140294846-74491.html
Tout est parti d’un courrier de lecteur, découvert en septembre 2019 : un professeur de physique-chimie reconnaît, dans sa classe, le fils de son ancien harceleur, qui ressemble trait pour trait à son père. Il s’inquiète auprès de la psychologue de sa réaction possible envers cet élève : ne sera-t-il pas tenté de lui faire payer les persécutions du père, même inconsciemment ? La thérapeute lui répond, entre autres choses, qu’il y a là matière à écrire un roman ! Le samedi, à l’atelier Petits Papiers, chez Cécile et Philippe, je choisis d’écrire un texte inspiré de cette histoire, au gré des fameux « petits papiers ». Les retours plutôt positifs m’encouragent à peaufiner à la maison ma nouvelle Le Portrait de son père, que j’envoie à trois ou quatre revues. L’envie d’aller plus loin ne me quitte pas et je m’inscris à un atelier Premier Roman (en formation pro), pour transformer la nouvelle en roman. En avril 2020, la revue Brèves m’appelle pour m’informer qu’elle souhaite publier Le Portrait de son père dans son numéro 116 (collectif « Jeunesse »). Cela renforce encore ma motivation pour le roman, dont j’achève le premier jet en juin. Je poursuis la réécriture les mois suivants. En plus des retours obtenus en atelier, je fais « diagnostiquer » mon texte en janvier 2021 par un site professionnel, puis, après l’avoir remanié, je commence à envoyer mon manuscrit à des éditeurs en septembre 2021, assorti d’une lettre de présentation longuement travaillée, d’un synopsis, etc. Je continue mes envois jusqu’en mars 2022. Sur la quarantaine d’éditeurs contactés, j’obtiendrai six réponses, toutes négatives, mais parfois encourageantes (quand même !). Enfin, en avril 2022, un éditeur (IGB) me téléphone : il a aimé mon roman, mais attend d’avoir l’avis de son comité de lecture et de son associée pour me donner un accord définitif. La même semaine (!), les Editions Il est Midi me contactent à leur tour pour me proposer directement un contrat. C’est avec eux que je signe, en juin 2022. Mon roman, le Fils de l’autre, sort le 10 octobre. L’expérience a été intéressante, même si le livre n’est vendu que sur commande (en librairie, à la Fnac, chez Amazon et sur tous les sites marchands), donc peu visible. Par ailleurs, Il est Midi n’organise pas de dédicaces et ne participe pas à des salons. Enfin, je n’ai jamais rencontré mes éditeurs, nous n’avons échangé que par mail et au téléphone. J’ai donc réalisé moi-même mon dossier de presse et obtenu deux chroniques (sur Femina.fr et Télé-7-Jours) et deux interviews. Un club de lecture, à Pierrefonds, m’a également invitée à une journée de présentation, et je me suis inscrite à deux salons en 2023 (réponse en attente). L’aventure continue, sans bruit, mais c’est formateur… Encore merci à Cécile et Philippe, dont l’atelier Petits Papiers m’a permis de poser les jalons de mon projet. Je leur ai même volé une très jolie phrase, tirée au hasard des « petits papiers » et que j’ai gardée dans le roman, bien évidemment ! Monique Coant-Blond Pour en savoir plus sur le livre, n’hésitez pas à aller sur mes pages Facebook https://www.facebook.com/profile.php?id=100082078084319 et Instagram https://www.instagram.com/emsie_blond/?hl=fr ou, pourquoi pas, sur le site de l’éditeur https://editions-il-est-midi.eproshopping.fr/1740324-LE-FILS-DE-L-AUTRE-Monique-Coant-Blond
LIVRES AIMÉS
J’ai aimé l’atmosphère; j’ai souri ; j’ai admiré le style; j’ai râlé de frustration lorsque je découvrais les personnages petit à petit et non bien campés en début de livre ; j’ai frémi devant le suspens de l’histoire et des personnages; je me suis laissée bercer par l’ambivalence constante entre rêve et réalité; j’ai été touchée quand j’ai enfin compris les visites d’amitié et de souvenirs de ce groupe hétéroclite et j’ai même versé une larme en refermant le livre.
En passant dans le rayons BD (au RDC, pour les grands, pas au 3e chez les enfants) d’une médiathèque, je me suis arrêtée sur Profession du père, de Sébastien Gnaedig. C’est une adaptation du roman de Sorj Chalandon. Je vous le dis tout de suite : je n’ai pas lu la version sans images. Mais la version adaptée a renforcé l’envie de la découvrir, même si je peux m’attendre à une violence accrue. En noir et blanc, en quelques dessins, l’intensité est présente. La dérive d’une homme dans une période sombre de l’histoire de France. « Les événements » dans nos livres d’histoire, pour ne pas dire « la guerre » d’Algérie. Je ne sais pas ce qu’en pensent celles et ceux qui ont lu S. Chalandon. Cette adaptation est une introduction, une ouverture. Profession du père est publié aux éditions Futuropolis en 2018.
Le point de départ de l’auteure est que nous avons été, ou serons, toutes et tous un jour confrontés à la mort de notre mère. La narratrice, journaliste célibataire de 31 ans, décrit ce qui l’oppose à sa sœur, mariée, 2 enfants. Leur mère meurt brutalement. Assassinée. Le lecteur suit avec la narratrice l’enquête, les arrangements pour vider la maison, ce que deviennent les relations familiales et sociales lorsque l’on perd sa mère aussi dramatiquement. Des secrets vont au fil des pages transformer des vérités jusqu’ici bien établies. Il y a beaucoup d’humour dans ces pages. Et des rebondissements. Le récit m’a parlé, souvent. Mère disparue est paru en 2007, édité par les éditions Philippe Rey.
Trois livres en forme de trilogie de Deborah Levy, auteure sud-africaine vivant en Grande-Bretagne : Le goût de la vie, Ce que je ne veux pas savoir et Etat des lieux. Les ouvrages sont traduits par Céline Leroy. Une écriture très ancrée dans la vie, mais en même temps très subtile, où l’auteure à la fois s’interroge sur la présence du passé dans le présent, et très souvent décale notre regard sur des évènements très simples et quotidiens pour en dégager un aspect neuf. Elle y excelle lorsqu’elle questionne, sans verser dans la démonstration, les rapports de genre, son travail d’écrivaine, ses rêves non réalisés. Elle est souvent drôle, légère et toujours intéressante. Merci à la traduction excellente.
Le cercle des menteurs ou Contes Philosophiques du monde entier rapportés par Jean-Claude Carrière. Habituellement, le terme de « contes philosophiques » me donne envie de rebrousser chemin car c’est un genre dont le ton appuyé, l’intention de donner des leçons produit souvent des textes ennuyeux et « voulus » (ce n’est que mon avis !). Ici, c’est tout le contraire : histoires courtes, du conte à la blague, racontées avec le brio qu’a Jean-Claude Carrière pour s’exprimer. Si l’on connait sa voix, on a l’impression en lisant qu’il est présent et qu’il conte à haute voix. Le premier comme le deuxième tome sont des régals. (en photo le deuxième tome)
Un texte très court (78 pages) sur la maladie contractée à son travail par le père du narrateur. Ce que j’ai aimé dans cette écriture, c’est que sous l’apparente pauvreté émotionnelle du texte, l’auteur, en nous livrant la stricte description des faits et gestes des protagonistes, sans à aucun moment ne juger quiconque, nous laisse toute la place pour mobiliser notre propre émotion et penser par nous-mêmes.
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