Dans un minuscule hameau de Dordogne au creux de la France , Sofia arrivée de nulle part ,décide d’arracher l’herbe derrière l’église en ce 1er aout..
Une fois décidée, Sofia court dans la grange où il lui semble avoir remarqué hier à la tombée de la nuit une faux devant le tracteur rouillé. Oui ,hier soir quand elle a demandé à Ernest de la déposer dans ce hameau pour la nuit.
Ernest, qui n’arrêtait pas de la reluquer quelques semaines auparavant quand elle était assise désemparée au café de la grosse horloge à la gare de Limoges. Ce souvenir resurgit…
Elle voulait rien , juste verser ce torrent de larmes incrusté en elle depuis si longtemps .
Sofia ne savait plus qui elle était depuis ce temps sans commencement.
Pendant plusieurs hivers, elle avait juste lavé les sols et récuré les toilettes du matin au soir .Epuisée, elle se couchait, dormait dans une mansarde de l’hôtel sans nom et sans étoile, se levait , s’habillait et de nouveau lavait récurait. Elle ne savait plus pourquoi elle avait atterri là , toute rousse, toute jeune et désarmée.
Un matin Dieu seul sait pourquoi , elle ne s’était pas levée, personne ne s’était rendu compte de son absence. Elle était partie de l’Hôtel sans nom et sans étoile . C’est ainsi qu’elle avait atterri au café de la grosse horloge de Limoges.
Une fois qu’elle ait eu déversé son trop plein de larmes, Sofia se redressa doucement et regarda autour d’elle. Elle se sentit renaître dans ce café rétro aux glaces sans tain et aux garçons de café vêtus de noir légèrement obséquieux. Tout lui semblait beau et étincelant. Elle croisa le regard d’Ernest. Il semblait attendre son regard. Ernest, le cantonnier qui s’accordait une pause café après sa journée de travail commencée à 5 heures du matin. Il la dévorait des yeux depuis de longues minutes.
Quel était ce chagrin sans fond ? Il se refrénait de la consoler. Il voulait la prendre dans ses bras forts, la bercer, tenter qu’elle oublie son chagrin .
Il savait qu’il n’était pas le plus beau jeune homme de Limoges, ce qui comptait pour lui en cet instant , c’étaient les larmes de Sofia. Il fallait qu’elles cessent.
Sofia se méprit sur l’intention d’Ernest et détourna les yeux, tout à sa renaissance dans ce lieu rétro.
Elle commanda un café d’une voix ferme qui la surprit elle-même. Qui était cette jeune femme assurée ?
C’était elle . Elle décida dans l’instant que l’ancienne Sofia laveuse de sols était enterrée . Une nouvelle vie l’attendait.
Aussi quand Ernest tenta de l’approcher , elle accepta , se disant que ce serait l »occasion de partir de Limoges pour un ailleurs inconnu.
Ernest n’en croyait pas ses oreilles. La jolie rousse lui proposait de partir en voyage avec lui !
Il ne comprendrait jamais l’âme féminine . Cette jeune femme toute fragile, éplorée quelques minutes auparavant, lui demandait maintenant de partir avec lui en voyage, avec un sourire désarmant.
Ernest avait un cœur en sucre d’orge . Il dit oui trois fois Oui.
Ils partiraient avec le camion de service de la mairie . Ni vu ni connu.
Ernest savait qu’il commettait peut être la bêtise de sa vie , mais il était sur un nuage roux. Une jeune fille lui demandait de partir en voyage . Il se répétait ce vers en boucle en démarrant son petit camion.
Sofia était heureuse. Fini les chiottes ! Vive le camion d’Ernest et la liberté !
Elle s’étonnait elle-même de son audace. Elle était ivre d’elle-même .
La vie lui semblait facile.
Sofia regarda pour la première fois Ernest quand ils quittèrent Limoges.
Il arborait un sourire malicieux , heureux et ses yeux verts clignotaient de joie. Elle s’attendrit et s’intéressa à son chauffeur.
Sofia voulait savoir à qui elle avait affaire ,ce qui le faisait vibrer dans la vie, ses choix musicaux , etc.
Ernest ne savait pas répondre aux questions de Sofia . Il lui répondit au bout de quelques minutes qu’elle était jolie et qu’il ne voulait plus qu’elle soit triste.
Un temps s’écoula et répondit : « j’ai 24 ans et j’aime le reggae ».
Sofia satisfaite , admira les champs dorés, les arbres en fleurs. Tout l’étonnait et suscitait son admiration.
La nouvelle Sofia engrangeait en elle toutes ces couleurs , ces villages , ces champs.
Elle qui avait toujours vu des carrelages, et des murs , elle souriait à cette profusion d’images.
Que c’est beau ! s’exclama-t-elle ! Elle riait .
Ernest était taiseux, peu lui importait . Elle était partie de Limoges .
Elle s’était échappée de l’hôtel sans nom et sans étoile avec une facilité désarmante qui la fit rire.
Ernest la regardait étonné, médusé. Sofia passait des larmes au rire si facilement !
Il ne comprenait rien aux femmes. Elles étaient vraiment différentes.
Il se sentait heureux Sofia à ses côtés sur la route de l’aventure .
Il roulèrent longtemps dans un silence doux. Chacun voulait croire à son petit bout de paradis reçu ce jour d’été. Il mit un CD de reggae , Sofia chanta .
Ernest fouilla dans un sac et dénicha un saucisson et une baguette. Ils en firent un festin.
Ernest dévorait son sandwich et admirait Sofia , il n’osait croire à son bonheur inattendu ! Une femme dans son camion.
Il en rêvait depuis si longtemps .Son vieux chef Albert lui avait dit un jour : « Ernest crois moi , mieux vaut être seul que deux et mal accompagné »
Ernest l’avait cru , Albert c’était un peu son père .
Il serait seul dans la vie avec son balai et son camion.
Quand il reverrait Albert, il lui dirait qu’il pouvait être heureux à deux , lui aussi.
Sofia, elle , admirait la Nature. Elle dévorait son sandwich et la campagne. Elle ne savait pas trop quoi penser de son compagnon attentionné.
Cependant , il la véhiculait et l’emmenait loin de l’hôtel sans nom et sans étoile.
Elle déploya la carte de France , ferma les yeux pointa son doigt et les rouvrit . Elle déchiffra Chamonix.
Wouah ! s’exclama-t-elle !
Nous allons à Chamonix , admirer le mont Blanc. Elle applaudit et chanta plus fort que le CD.
Ernest ne connaissait pas le Mont Blanc.
Elle lui décrivit la blancheur de ses sommets, cette impression d’au-delà, de beauté inaccessible.
Ernest sous le charme de l’enthousiasme communicatif de Sofia ria aux éclats et s’exclama à son tour Wouah !
Deux gamins heureux.
Sofia interrogea Ernest ; « tu as du blé pour l’essence ? » Ernest troublé, réfléchit . Oui dans le tiroir, il y avait le porte feuille de secours.
Il avait l’interdiction d’y toucher sauf problème majeur. C’était le cas , ils allaient à Chamonix !
Sofia pragmatique, réfléchit aux aspects concrets de leur fugue. Il fallait qu’ils travaillent. Saisonniers , l’été c’était jouable. Ernest pensait à son chef Albert. Il fallait lui téléphoner. Que lui dire ? La vérité souffla Sofia .
Albert était un brave gars mais il détestait l’indiscipline, l’irrespect.
Ernest composa le no d’Albert et resta muet. Sofia vola à son secours. Elle prit ses responsabilités et promit à Albert de laisser le camion demain à Chamonix devant la mairie.
Albert grogna , devina un début d’amourette et décida de protéger Ernest.
Demain il viendrait chercher le camion à Chamonix. Lui aussi avait été jeune et amoureux. Il était ravi et inquiet pour Ernest qu’il savait fragile.
Maladroitement il demanda à Sofia de ne pas blesser Ernest, elle le lui promit.

J’écris depuis mon adolescence…comme beaucoup j’ai tenu un journal intime puis j’ai écrit des poèmes puis des textes et quelques petites nouvelles. J’adore lire depuis que je sais lire . Les livres furent mes premiers amis .