Microcosme

Derrière la vitrine à l’ancienne, un écorché me regarde de son unique œil épluché.

J’ai cinq ans, et on m’a laissé me promener dans l’école de ma grand-mère. Il n’y a personne, c’est samedi. Il y a cette salle au dernier étage, où l’on stocke les vieux livres et les matériels dépassés. Cela sent la poussière de craie et le vieux parquet.

Et dans cette vitrine trône ce corps artificiel et coloré. Il est amputé de ses jambes et de ses bras, on ne voit que des débuts de moignons, veinés de bleu et rouge sur son côté gauche. Il est partagé en deux dans sa largeur, une partie squelette, blanche, propre et nette, et une partie charnue, luisante de tout son plastique. Les muscles sont striés, côtelés, les organes ressemblent à mes fruits et légumes de dinette. Je vois des grappes étranges, des glandes jaunâtres, des excroissances presque coralliennes. Mais c’est son œil qui me fascine, avec cet iris bleu et ses veines en réseau, ses muscles à vif qui le retiennent à son crâne scalpé.

Il est là, je le regarde et il me regarde aussi. J’ai cinq ans, et je sens déjà s’instiller en moi ce mélange de fascination et de dégoût pour cette matière vivante dont on m’offre ici le simulacre immobile.

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