C’était une tradition familiale : les adolescents recevaient pour leurs quinze ans un journal intime. Un cadeau d’anniversaire qui leur indiquait plus ou moins subtilement qu’ils avaient droit à leur jardin secret, que leur vie d’adulte commençait enfin. Leur vie d’enfant s’engloutissait dans les dernières parts du gâteau d’anniversaire.
Grégoire ouvrit son cahier le soir de ses quinze ans, décapuchonna son stylo bleu, fixa le plafond puis la première page et écrivit : « Sinon, ça va ? »
Recroquevillée dans le coin de la pièce, Mathilde surveille et scrute, calepin sur les genoux, crayon de bois à la main. Ses yeux balayent la pièce, les gens qui la remplissent et sa feuille se noircit de croquis saisissant la moindre expression. Des instants volés, des clichés pris à l’insu de ces gens qui ne la remarquent même plus dans le coin de la pièce.
Dehors, il pleut de la neige, la cheminée crépite. Elle dessine, croque. Quand la page est remplie, elle déchire en suivant les anneaux délicatement puis froisse la feuille nerveusement, la jette dans les flammes. Elle regarde la feuille s’embraser, elle aime lorsque la feuille rougeoie, fait croire à une montée de flamme puis noircit et devient cendres.
Elle n’avait jamais voulu ou plutôt jamais osé montrer ses dessins. Cet après-midi, elle avait dessiné son oncle Gilles, sa colère, son désarroi, elle avait annoté son dessin : « Gilles est jaune ! »Elle avait souri à ses mots. Elle commentait rarement ses croquis mais là, il était arrivé avec un pull jaune poussin. Son visage rouge et rond lui donnait une allure presque comique.
Grégoire avait gardé tous ses cahiers précieusement depuis ses quinze ans. Enfin, tous ses cahiers sauf ceux de l’école : les cahiers d’arithmétique, de français, de poésie, de vocabulaire, de conjugaison, tous les cahiers avec les tables de multiplication en quatrième de couverture avaient fini dans la cheminée au fil des nombreux hivers qui étaient passés.
Ceux qu’ils gardaient, qu’ils numérotaient, dataient, ceux-là étaient rangés dans un coffre, empilés avec soin, le plus ancien en bas de pile, le plus récent en haut. Chaque cahier commençait par « Sinon, ça va ? »Lorsqu’il avait eu quinze ans, il avait trouvé son accroche. Il avait pensé qu’il était somme toute difficile de répondre à cette question.
Dans la vie de tous les jours, on répond « ça va, et toi ? »Mais dans son journal, on peut écrire vraiment comment on va. Ça avait alors été un accord avec lui-même. Il pensait à tort ou à raison qu’un jour peut-être, cela lui permettrait de pouvoir s’exprimer clairement avec le monde.
Apprivoiser, gérer, explorer son monde intérieur pour pouvoir se lancer dans celui qui l’entourait, il trouvait que c’était un bon plan.
De nombreuses années s’étaient écoulées. Il avait écrit ses premiers émois, ses premiers chagrins d’amour, son euphorie lorsqu’il avait été admis au bac, sa bravoure lorsqu’il avait, pour la première fois, dépasser un 38 tonnes en leçon de conduite. Il avait écrit sa vie, ne s’était jamais censuré. Il avait écrit ses larmes quand son grand-père avait été enterré, quand son pote s’était tué à moto. Il avait fait résonner ses éclats de rire, ses éclats de voix. Il avait eu du mal à trouver les mots pour parler de son premier né, de la joie, la peur, de tous les sentiments ambivalents qu’il avait eus quand son fils était né.
Mathilde avait grandi. Elle aimait toujours autant dessiner. Elle était devenue illustratrice, à la fois pour les magazines quels qu’ils soient, féminins, jardinage, déco, sports, peu importe tant qu’elle pouvait dessiner ; elle était aussi pigiste pour un célèbre quotidien, elle croquait l’humeur politique, sociale du jour. Elle aimait aussi illustrer les livres pour enfants. Encore plus depuis qu’elle était devenue maman.
Elle ne jetait plus ses dessins au feu. Elle en froissait quelques-uns et les jetait dans la corbeille à papier quand son dessin ne lui plaisait pas tant que ça. Elle aimait encore aujourd’hui s’asseoir dans un coin pour voir sans être vue et capter l’essentiel d’un moment. En grandissant, ses coins s’étaient multipliés, elle avait son banc de prédilection dans les jardins publics, sa place sur le strapontin du fond à droite dans le métro pour avoir une bonne vision d’ensemble.
Le mot d’ordre pour bien dessiner était qu’elle devait se placer dans l’angle mort de la foule, ne pas être remarquée, ne pas être dérangée. Elle avait gardé cela de son enfance.
Cette attitude lui avait coûté son mariage. Elle avait épousé un homme imposant physiquement, mentalement. D’ailleurs, quand elle représentait son couple, il y avait un énorme bonhomme qui prenait toute la page et on devinait à peine un pointillé : sa silhouette. Spatialement, c’était devenu trop compliqué pour elle. Elle avait ressenti de plus en plus profondément une envie, un besoin vital de déployer ses ailes. Ils avaient alors divorcés avec pertes et fracas.
Mathilde ne regrettait pas. Elle savait que ça pouvait faire partie de la vie. Tout le monde fait des erreurs et n’en est pas mort.
Elle s’était lancée de plus en plus souvent dans l’exploration artistique, avec plus ou moins de succès mais toujours avec une envie grandissante.
Aujourd’hui, elle se tenait debout au milieu d’une galerie, une coupe de champagne à la main qu’elle ne buvait pas. Elle souriait à des gens qu’elle ne connaissait pas, serrait quelques mains. Ses yeux pétillaient de fierté de voir sur les murs blancs des cadres remplis de choses qu’elle aurait sûrement brûlées il y a quelques années.
Elle avait eu beaucoup de doutes dans sa vie. Elle s’était freinée à de nombreuses reprises pensant ne pas avoir de place dans ce monde ou, du moins, ne comprenant pas quelle pouvait être sa place. Ce soir-là, dans cette galerie, malgré sa gêne, sa timidité, son incompréhension face à cet engouement, elle était à sa place, à tenir sur un pied puis l’autre, prête à partir en courant s’il le fallait.
Elle ne croyait pas tous les mots qu’elle entendait, elle ne croyait pas tous ces gens qui la trouvaient formidable. Des gens qui l’oublieraient sûrement le lendemain quand l’alcool aurait fait son effet. Elle restait néanmoins très contente d’elle. Elle avait franchi un pas dans sa confiance personnelle avec ou sans l’acclamation qui l’inondait.
Un homme s’approcha d’elle et lui dit : « J’aime beaucoup votre univers ». Il laissa un temps, glissa son regard sur les tableaux puis lui dit : « Sinon, ça va ? »
Mathilde fut surprise par la question. C’était la première fois qu’on lui demandait ce soir. C’était la première fois qu’elle avait envie d’y répondre sincèrement.
– En fait, je sais pas, oui et non. Vous voyez, je suis contente de voir cette effervescence et en même temps, j’aimerais partir en courant parce que ce vernissage, les mondanités, tout ce tralala, ce n’est pas vraiment moi. Oh, je suis désolée, je ne sais pas pourquoi je vous dis tout ça. Ce n’est pas très poli, ce n’est pas très respectueux pour les personnes qui se sont déplacées. Euh, pardon, excusez-moi. Je ne sais plus où me mettre.
– Vous ne devriez pas vous excuser d’exister, vous savez ?
Grégoire la fixa droit dans les yeux puis l’invita à suivre son regard sur la salle, les tableaux. Mathilde suivit son regard et remarqua un peu par hasard que, pour la première fois, elle n’était pas recroquevillée dans un coin mais bien au centre de la pièce.
Sa tête se mit à tourner. Grégoire la retint par l’épaule et la main.
– Allons-nous asseoir, vous le voulez bien ?
Grégoire garda sa main dans celle de Mathilde. Ils hésitèrent entre les marches de l’escalier de secours et le canapé en velours rouge. Lorsque ceux qui occupaient le canapé se levèrent, ils échangèrent un regard qui signifiait « pourquoi pas ? ». Ils s’enfoncèrent dans les coussins. Grégoire caressait doucement la main de Mathilde avec son pouce.
– Vous avez repris vos esprits ? lui demanda-t-il
– Oui, je crois. Il fait chaud, non ?
– Oui, c’est vrai.
Mathilde expira doucement puis inspira profondément pour reprendre de l’air. Elle remarqua sa main prise dans une caresse qui lui était agréable mais qu’elle pensait inappropriée. Cet homme qu’elle ne connaissait pas était peut-être marié ou en tout cas occupé. C’est sûr, il y a des hommes comme Philippe qui aime Sophie, qui aime aussi Lucie, sa maîtresse. Il croit que personne ne sait, qu’il est discret, qu’il ne se fera jamais chopé mais bon, tout le monde est au courant, même Sophie.
Dans ses tergiversations, Mathilde oublia de retirer sa main. En fait, elle aimait bien la main de cet homme sur la sienne. Elle ne savait rien de lui ou plutôt elle avait la douce sensation de tout savoir sur lui simplement parce qu’il lui avait demandé « Sinon, ça va ? »
Le silence qui s’était installé entre eux depuis quelques minutes ne semblait pas les gêner. Ils étaient dans un coin, à observer la pièce, à observer les gens, à sentir la présence d’un autre corps assis à côté. Le seul contact passait par leur paume, leur pouce. Sa main est douce, pensa-t-il. Sa main est douce, pensa-t-elle.
La timidité les submergea tous les deux. Il aurait aimé lui demander, juste pour relancer la conversation : « J’aimerais beaucoup que vous illustriez mes écrits ». Mais il avait peur qu’elle le prenne pour quelqu’un de pédant, de prétentieux. Son cerveau à elle était en ébullition. Des millions de questions lui bombardaient la tête. Elle tentait vainement de les faire taire. Elle suppliait son cerveau : Laisse-moi juste profiter de cet instant. Laisse-moi juste être bien. Tes questions m’encombrent.
Elle voudrait oublier ses doutes, elle voudrait oublier ses certitudes. Elle savait ses peines, ses blessures. Elle soupçonnait les siennes. Elle voudrait tellement faire taire les doutes. Chut ! dit-elle malencontreusement à haute voix.
– Pardon ?
– Euh, rien, je n’ai rien dit. Enfin, je crois.
– Ah d’accord. Je voulais vous…euh…comment dire…
Le patron de la galerie interrompit cette tentative de prise de parole en faisant tinter sa coupe de champagne.
– Votre attention s’il vous plaît, où est notre star de la soirée ? Mathilde ? Mathilde ? Viens ma chérie.
Mathilde se leva à contre cœur, lâcha la main de Grégoire dans une caresse. Grégoire la regarda rejoindre le centre de la pièce. Les applaudissements fusèrent. Les bravos tonnèrent.
– Un discours, Mathilde ?
Mathilde sentit ses joues s’empourprer. Elle s’encouragea d’un sourire, chercha du regard Grégoire qui avait quitté le canapé.
– Euh…merci, merci à tous d’être venus ce soir.
Son regard cherchait Grégoire dans la foule.
– Merci de votre soutien. J’espère que vous passez tous une agréable soirée.
Elle leva sa coupe de champagne, toujours à rechercher les yeux de Grégoire.
– Santé !
Elle sentit une main lui frôler le dos. Elle entendit dans un souffle « J’aurais aimé tenir ta main un peu plus longtemps, Mathilde.»
Son visage s’illumina, ses épaules frissonnantes tentèrent un demi-tour. Elle le fixa droit dans les yeux. Leurs sourires s’élevèrent au même moment. Elle laissa sa main glisser vers la sienne. Grégoire la saisit et dit :
– On y va ?
– Oui
Grégoire fendit la foule, ne lâchant pas une seule fois son étreinte. Il poussa la porte vitrée. Sur le trottoir, il respira profondément, regarda le ciel, les étoiles, les nuages qui flottaient. Mathilde fit de même, presque simultanément.
– Ça fait du bien d’être dehors, non ?
– Un bien fou
– Au fait, je m’appelle Grégoire
– Mathilde
– Enchanté Mathilde
– Enchantée Grégoire.
Les jours et les mois passèrent. Ils ne s’étaient pas revus. Grégoire avait beaucoup écrit sur Mathilde dans ses cahiers. Mathilde avait beaucoup dessiné Grégoire, sa main, son audace comme sa timidité. Elle le trouvait de plus en plus beau. Avec les yeux de l’amour, on trouve tout le monde beau. Le flux des mots de Grégoire concernant Mathilde ne tarissait pas. Son monde intérieur avait été chamboulé.
Mathilde rêvait de Grégoire. Elle en avait parlé avec le docteur Eleanor Baudelaire, spécialiste des rêves. Elle lui avait juste répliqué :
– Vous êtes amoureuse, ma chérie
– Mais, je n’ai pas quinze ans. On n’est plus amoureux à mon âge. On se préserve, on se protège, on ne veut plus avoir mal
– Sornettes et balivernes, ma chérie, il n’y a pas d’âge pour être amoureux.
Puis, le docteur Baudelaire avait disparu et Mathilde était restée seule avec ses doutes, avec ses dessins, ses esquisses de Grégoire.
Un samedi d’hiver, Mathilde se décida à sortir. Elle s’emmitoufla dans son écharpe, enfonça le bonnet de son ado sur la tête et se rendit dans sa librairie préférée. Elle poussa la porte, feuilleta quelques poches, alla se servir un café chaud. Elle aperçut un attroupement dans le fond.
Remarquant son regard interrogateur, elle entendit : « Y a dédicace aujourd’hui ! »
Elle s’approcha. La foule s’écarta. Assis sur la table, le stylo à la main, écrivant sur la deuxième page, elle n’en croyait pas ses yeux.
– Grégoire ? C’est toi ?
Il leva les yeux. Son sourire lui enleva la boule au ventre qu’il avait depuis des mois. Il répondit :
– Je suis très content de te revoir. J’attendais ce moment depuis la dernière fois…Sinon, ça va ?
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PUBLICATIONS DES PARTICIPANTS
J’ai fréquenté durant plusieurs années les ateliers d’écriture Sous les Toits de Cécile et Philippe, que je viens de retrouver en novembre avec Les Petits Papiers. Depuis la pandémie, je me suis lancée un peu plus « sérieusement » dans l’écriture et mené certains projets à bien. Après « le Fils de l’autre », que j’ai déjà présenté sur ce blog, « Avenue du Père-Lachaise » est mon deuxième roman. Il est né de ce qui devait, au départ, être un recueil de nouvelles. Celles-ci étaient souvent liées les unes aux autres en une sorte de « suite », je les ai remaniées pour en faire cet OLNI (objet littéraire non identifié), qui a trouvé son éditrice, les Editions Marie Romaine, https://www.editionsmarieromaine.fr/. Ce roman choral est sorti en janvier 2024. En voici le pitchDeux femmes, trois hommes, un lieu : le cimetière du Père-Lachaise, à Paris. Au fil de ce roman, des vies se télescopent, des destins se lient, des êtres se trouvent ou se séparent. Les personnages rebondissent d’un chapitre à l’autre, tous réunis dans cette mystérieuse nécropole par l’absence, le manque, le deuil, l’espoir d’une renaissance. Si la mort a un jour croisé leur chemin et redessiné leur parcours, sa présence n’arrive jamais à obscurcir cette valse mi-joyeuse, mi-tragique, au terme de laquelle l’un d’eux va disparaître.Et le lien pour découvrir le livre : https://www.editionsmarieromaine.fr/product-page/avenue-du-p%C3%A8re-lachaise-monique-blond Merci pour votre lecture !
La danse du papillon provient d’un texte court produit pendant un atelier d’écriture que j’avais suivi il y a une trentaine d’années. Par la suite, j’ai repris cet écrit à plusieurs reprises, tout en rédigeant d’autres textes sans rapport avec cette ébauche. C’est plus tard que, disposant de temps et de disponibilité d’esprit, j’ai ressorti de mon ordinateur les brouillons successifs du petit texte initial pour travailler encore et encore une histoire dont je ne savais pas très bien où elle allait. Et petit à petit, quelque chose a commencé à prendre forme, qui s’était éloigné du tout premier texte d’atelier, qui puisait aussi dans d’autres textes moins anciens et se nourrissait de fragments nouveaux, parmi lesquels des ébauches écrites pendant des séances de l’Atelier sous les toits. Le soir, des personnages s’invitaient dans mes rêveries, rechignant parfois contre ce que je venais de leur faire faire ou contre le prénom que je leur avais donné, formant petit à petit l’histoire à ma place. Je griffonnais quelques notes et le lendemain, j’essayais de traduire ces notes en écriture… essais parfois fructueux, pas toujours ! Parvenir à la forme aboutie de La danse du papillon m’a pris plus de six ans. Si je reviens sur ce travail d’écriture, je peux distinguer plusieurs aspects. D’abord, le travail de la phrase : portée à écrire de longues phrases pleines de digressions et d’incises dans tous les sens, j’ai dû énormément les retravailler. Pendant plusieurs années, j’écrivais chaque jour un ou deux paragraphes, ou seulement deux ou trois lignes, et je les raturais et les réécrivais indéfiniment les jours suivants en me disant que c’était nul, et moi avec. L’écriture de La danse du papillon m’a servi d’exercice d’écriture mais aussi, en étant aussi quotidiennement présente, m’a coupée d’autres formes, comme par exemple la forme poétique dont je me suis éloignée à regret. Ensuite le travail de la structure : comment organiser l’histoire, présenter les évènements, ménager un certain suspens. Longtemps, le récit n’avait aucune structure, probablement aussi parce que les grandes lignes de l’histoire n’étaient pas encore clairement définies. Puis, quelque chose a « pris » et la structure est apparue. Evidemment, je n’avais pas fait de frise chronologique et mes personnages apparaissaient n’importe quand, à rebrousse-temps : pourquoi pas, en théorie, un récit temporellement déstructuré, mais cela ne se prêtait pas à l’histoire que je voulais raconter. Je me suis donc emmêlé les pinceaux jusqu’à ce que ça tienne à peu près et que je déclare la structure achevée. Désireuse d’en finir, je n’ai pas écouté la petite voix intérieure qui tentait de me dire qu’en fait la structure était bancale. Cécile, à qui j’ai confié la relecture de la première version de ce récit dans le cadre de l’Atelier Face à Face, m’en a aussitôt fait la remarque. Il a fallu me remettre à la tâche, couper, tailler et retailler et m’apercevoir qu’avec la nouvelle combinaison, ça ne collait plus, des évènements se produisent dans le mauvais sens, des gens mouraient avant d’être nés etc…. Finalement, ça c’est fait, en quelques mois. La manuscrit terminé, j’en ai éprouvé à la fois de la joie et de la légèreté. Je n’avais pas l’idée que cet écrit puisse être publié. Je l’ai offert à mes proches en format A4 et c’est de mon entourage qu’est venu l’encouragement à chercher un éditeur… J’ai mis du temps à faire la démarche, je ne me sentais pas légitime et je me demandais ce qu’un bouquin de plus viendrait ajouter à des masses et des masses de livres publiés chaque semaine…. Nombreux ont été les refus implicites (pas de réponse sous 4 mois signifie un refus) et les refus par courrier, certains assortis de commentaires encourageants, jusqu’à ce que les éditions de l’Harmattan acceptent de le publier. Je continue à me demander si publier est une fin en soi : ce qui a compté le plus, c’est d’avoir écrit. Mais maintenant, je ne peux plus faire abstraction du fait que ce livre est publié et c’est vrai que savoir son texte lu par d’autres yeux, d’autres oreilles, par des âmes éloignées que l’on ne connaît pas, et parfois en recevoir un témoignage, c’est tellement fort ! D’une certaine façon, on en fait l’expérience à une autre échelle en atelier d’écriture ou dans le blog de l’Atelier : le partage de ce que l’on a écrit, le retour des lecteurs ou des auditeurs (selon la forme de l’atelier) est une expérience du risque, de la remise en question mais aussi du partage et de la joie. La danse du papillon se commande dans toutes les librairies, sur les sites de vente en ligne et sur le site des éditions de l’Harmattan : https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_danse_du_papillon_aliette_zumthor_sallee-9782140294846-74491.html
Tout est parti d’un courrier de lecteur, découvert en septembre 2019 : un professeur de physique-chimie reconnaît, dans sa classe, le fils de son ancien harceleur, qui ressemble trait pour trait à son père. Il s’inquiète auprès de la psychologue de sa réaction possible envers cet élève : ne sera-t-il pas tenté de lui faire payer les persécutions du père, même inconsciemment ? La thérapeute lui répond, entre autres choses, qu’il y a là matière à écrire un roman ! Le samedi, à l’atelier Petits Papiers, chez Cécile et Philippe, je choisis d’écrire un texte inspiré de cette histoire, au gré des fameux « petits papiers ». Les retours plutôt positifs m’encouragent à peaufiner à la maison ma nouvelle Le Portrait de son père, que j’envoie à trois ou quatre revues. L’envie d’aller plus loin ne me quitte pas et je m’inscris à un atelier Premier Roman (en formation pro), pour transformer la nouvelle en roman. En avril 2020, la revue Brèves m’appelle pour m’informer qu’elle souhaite publier Le Portrait de son père dans son numéro 116 (collectif « Jeunesse »). Cela renforce encore ma motivation pour le roman, dont j’achève le premier jet en juin. Je poursuis la réécriture les mois suivants. En plus des retours obtenus en atelier, je fais « diagnostiquer » mon texte en janvier 2021 par un site professionnel, puis, après l’avoir remanié, je commence à envoyer mon manuscrit à des éditeurs en septembre 2021, assorti d’une lettre de présentation longuement travaillée, d’un synopsis, etc. Je continue mes envois jusqu’en mars 2022. Sur la quarantaine d’éditeurs contactés, j’obtiendrai six réponses, toutes négatives, mais parfois encourageantes (quand même !). Enfin, en avril 2022, un éditeur (IGB) me téléphone : il a aimé mon roman, mais attend d’avoir l’avis de son comité de lecture et de son associée pour me donner un accord définitif. La même semaine (!), les Editions Il est Midi me contactent à leur tour pour me proposer directement un contrat. C’est avec eux que je signe, en juin 2022. Mon roman, le Fils de l’autre, sort le 10 octobre. L’expérience a été intéressante, même si le livre n’est vendu que sur commande (en librairie, à la Fnac, chez Amazon et sur tous les sites marchands), donc peu visible. Par ailleurs, Il est Midi n’organise pas de dédicaces et ne participe pas à des salons. Enfin, je n’ai jamais rencontré mes éditeurs, nous n’avons échangé que par mail et au téléphone. J’ai donc réalisé moi-même mon dossier de presse et obtenu deux chroniques (sur Femina.fr et Télé-7-Jours) et deux interviews. Un club de lecture, à Pierrefonds, m’a également invitée à une journée de présentation, et je me suis inscrite à deux salons en 2023 (réponse en attente). L’aventure continue, sans bruit, mais c’est formateur… Encore merci à Cécile et Philippe, dont l’atelier Petits Papiers m’a permis de poser les jalons de mon projet. Je leur ai même volé une très jolie phrase, tirée au hasard des « petits papiers » et que j’ai gardée dans le roman, bien évidemment ! Monique Coant-Blond Pour en savoir plus sur le livre, n’hésitez pas à aller sur mes pages Facebook https://www.facebook.com/profile.php?id=100082078084319 et Instagram https://www.instagram.com/emsie_blond/?hl=fr ou, pourquoi pas, sur le site de l’éditeur https://editions-il-est-midi.eproshopping.fr/1740324-LE-FILS-DE-L-AUTRE-Monique-Coant-Blond
LIVRES AIMÉS
J’ai aimé l’atmosphère; j’ai souri ; j’ai admiré le style; j’ai râlé de frustration lorsque je découvrais les personnages petit à petit et non bien campés en début de livre ; j’ai frémi devant le suspens de l’histoire et des personnages; je me suis laissée bercer par l’ambivalence constante entre rêve et réalité; j’ai été touchée quand j’ai enfin compris les visites d’amitié et de souvenirs de ce groupe hétéroclite et j’ai même versé une larme en refermant le livre.
En passant dans le rayons BD (au RDC, pour les grands, pas au 3e chez les enfants) d’une médiathèque, je me suis arrêtée sur Profession du père, de Sébastien Gnaedig. C’est une adaptation du roman de Sorj Chalandon. Je vous le dis tout de suite : je n’ai pas lu la version sans images. Mais la version adaptée a renforcé l’envie de la découvrir, même si je peux m’attendre à une violence accrue. En noir et blanc, en quelques dessins, l’intensité est présente. La dérive d’une homme dans une période sombre de l’histoire de France. « Les événements » dans nos livres d’histoire, pour ne pas dire « la guerre » d’Algérie. Je ne sais pas ce qu’en pensent celles et ceux qui ont lu S. Chalandon. Cette adaptation est une introduction, une ouverture. Profession du père est publié aux éditions Futuropolis en 2018.
Le point de départ de l’auteure est que nous avons été, ou serons, toutes et tous un jour confrontés à la mort de notre mère. La narratrice, journaliste célibataire de 31 ans, décrit ce qui l’oppose à sa sœur, mariée, 2 enfants. Leur mère meurt brutalement. Assassinée. Le lecteur suit avec la narratrice l’enquête, les arrangements pour vider la maison, ce que deviennent les relations familiales et sociales lorsque l’on perd sa mère aussi dramatiquement. Des secrets vont au fil des pages transformer des vérités jusqu’ici bien établies. Il y a beaucoup d’humour dans ces pages. Et des rebondissements. Le récit m’a parlé, souvent. Mère disparue est paru en 2007, édité par les éditions Philippe Rey.
Trois livres en forme de trilogie de Deborah Levy, auteure sud-africaine vivant en Grande-Bretagne : Le goût de la vie, Ce que je ne veux pas savoir et Etat des lieux. Les ouvrages sont traduits par Céline Leroy. Une écriture très ancrée dans la vie, mais en même temps très subtile, où l’auteure à la fois s’interroge sur la présence du passé dans le présent, et très souvent décale notre regard sur des évènements très simples et quotidiens pour en dégager un aspect neuf. Elle y excelle lorsqu’elle questionne, sans verser dans la démonstration, les rapports de genre, son travail d’écrivaine, ses rêves non réalisés. Elle est souvent drôle, légère et toujours intéressante. Merci à la traduction excellente.
Le cercle des menteurs ou Contes Philosophiques du monde entier rapportés par Jean-Claude Carrière. Habituellement, le terme de « contes philosophiques » me donne envie de rebrousser chemin car c’est un genre dont le ton appuyé, l’intention de donner des leçons produit souvent des textes ennuyeux et « voulus » (ce n’est que mon avis !). Ici, c’est tout le contraire : histoires courtes, du conte à la blague, racontées avec le brio qu’a Jean-Claude Carrière pour s’exprimer. Si l’on connait sa voix, on a l’impression en lisant qu’il est présent et qu’il conte à haute voix. Le premier comme le deuxième tome sont des régals. (en photo le deuxième tome)
Un texte très court (78 pages) sur la maladie contractée à son travail par le père du narrateur. Ce que j’ai aimé dans cette écriture, c’est que sous l’apparente pauvreté émotionnelle du texte, l’auteur, en nous livrant la stricte description des faits et gestes des protagonistes, sans à aucun moment ne juger quiconque, nous laisse toute la place pour mobiliser notre propre émotion et penser par nous-mêmes.
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