– Chut ! Vous allez le réveiller ! Sa majesté le Roi Papillon a souhaité ne point être dérangé.
– Mais le papillon n’est pas le maître des bois, ironisa le baladin en short, son violon sous le bras.
– Le roi, c’est moi, ajouta le violon.
– Mouais, mais je te rappelle que sans l’archet, et sans mes doigts sur tes cordes, tu ne sers à pas grand-chose. Un perchoir pour les oiseaux, peut-être ?
– C’est ça, rigole ! Ingrat !
Un cri perçant s’éleva du bois.
– Quel est donc ce vacarme qui m’agite les antennes ! Je suis noctambule, moi ! C’est qui cet abruti en short ?
– C’est le baladin. Il se prend pour Yehudi Menuhin. Chaque fois qu’il me court sur les cordes, il assassine Mozart.
– Vraiment ? Tu te rappelles la petite blonde aux cheveux bouclés ?
– Anaïs ?
– Oui ! Quand Anaïs joue du violon, son archet libère un nuage de notes mélodieuses. As-tu un mouchoir ? Je suis ému. Elle me manque tellement !
– J’ai sûrement un paquet dans la poche de mon étui. Je vois l’artiste en short arriver. Rabats tes ailes, ça va faire mal.
Dans le bois, un cri de violon provoque une envolée soudaine de tous ce qui vole, les lapins sautent sur le dos des sangliers pour déguerpir au plus vite. Le baladin en short est vraiment un criminel. Hélas son forfait n’est pas exceptionnel. Le garçon est matinal, il s’échauffe dans le wagon qui l’emmène au cœur du bois. Un coup d’archet, et le public s’efface. Le Roi Papillon dut conquérir un nouveau royaume, et demanda à Anaïs l’exclusivité de l’animation musicale du bois.
Le baladin reçut l’injonction de ne jouer que dans son wagon assigné à demeurer dans une gare désaffectée. Le violon intenta un procès pour violence musicale. L’affaire est en cours.