Les Noëls familiaux

D’abord, il y a la sortie à Paris. Voir les vitrines animées des grands magasins. Une sortie le soir, c’est déjà un événement. L’aînée voit surtout les lumières, le scintillement, le froid perçant. Le second veut tout voir, les détails mécaniques, d’où cela part, où ça va. Le petit dernier, même sur l’estrade pour enfants ne distingue rien du tout.

Après, il y a les lettres au Père Noël sur du papier rose à carreaux. On y met tout son cœur. L’écriture au tracé irrégulier, les fautes d’orthographe, rien ne vient troubler cette foi et cette innocence. On peut enfin rêver aux désirs les plus fous. L’aînée sait qu’il s’agit d’un moment de liberté inhabituel, sans contrôle, sans limite, sans interdit. Pourtant sa liste reste bien raisonnable. Le second, beaucoup plus jeune, écrit court mais dans son souci de justice, demande au Père Noël de ne pas oublier des bottes pour sa sœur et des billes pour son petit frère. Le petit dernier ne sachant ni lire ni écrire, découpe ses souhaits dans les livres d’histoires de ses aînés.

Puis il y a le sapin. C’est beau, ça sent bon. Il faut le décorer. Mais attention, « pas de vulgaire », pas de plastique, que du « beau fait maison ». L’un scie l’étoile, l’autre découpe des anges en papier, la mère accroche des oranges, le père stabilise l’arbre et le petit dernier se glisse sous les branches pour jouer avec les décorations, ni vu ni connu. Bon, ça tiendra jusqu’à Noël.

Ensuite il y a la préparation de la messe de minuit. Les aînés partent répéter la « Pastorale des santons de Provence » à l’église, tandis que le petit dernier hurle sa rage de ne pouvoir y aller.

Le 22 décembre. Les parents sont sortis célébrer leur anniversaire de mariage. Enfin libres de fouiller la maison pour y découvrir les cadeaux. Escabeau, lampe de poche, tiges, tout est réquisitionné par les aînés pour attraper les boites bien cachées. Chaque pièce, chaque recoin, chaque haut d’armoire est inspecté. Le petit dernier suit, curieux comme une pie, émerveillé de voir les grands enfreindre les règles, excité de cette chasse aux trésors. Bien sûr les parents ne sont pas très malins mais les paquets sont déjà enveloppés alors on les secoue pour tenter de deviner le contenu : le mécano tant attendu ? L’Instamatic rêvé ? La voiture rouge ? Impossible de défaire un coin de papier, une curiosité assouvie anéantissant le plaisir de « savoir sans être sûr ».

Enfin Noël. Des Oh, des Ah… Quelle tromperie pense l’aînée. Quelle joie pense le second qui, dans sa distraction coutumière a déjà oublié qu’il savait. Quant au petit dernier, Père Noël ou pas, il est trop heureux d’être heureux.

Parents, savez-vous que vos enfants savent ? Êtes-vous les plus innocents, croyant toujours au Père Noël de vos enfants ? Magie, mensonge ? 

P.S. pour tous ceux nés après 1970, l’instamatic est l’ancêtre des appareils photos compact!

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3 réponses à Les Noëls familiaux

  1. Aliette S dit :

    Oh Sylvie, comme si souvent avec les textes que j’ai connus de toi, j’adore ce récit de Noël, cette déclinaison des trois âges de l’enfance, ces souvenirs, cette odeur, l’odeur du sapin !, « les parents », cette dénomination qui éveillé aussitôt en moi les souvenirs de Marcel Aymé, jusqu’à l’instamatic et ton prudent rappel de définition à l’usage des jeunes générations !
    Merci beaucoup et qué ce Noël ci te soit aussi délicieux !
    Aliette

  2. Sylvie W dit :

    Merci Aliette, fidèle lectrice de nos textes spontanés. Très joyeux Noel à toi et plein de voeux chaleureux pour 2023

  3. Emmanuelle P dit :

    Merci Sylvie de ce texte qui peut « parler » à chacun(e), grâce à tous les aspects qu’il évoque.

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