Je pense à t’écrire. Souvent. J’ai même acheté du beau papier à lettres avec les enveloppes assorties. Sais-tu comme c’est difficile de trouver de quoi t’écrire ? J’ai écrémé des papeteries, sans succès. Sais-tu où j’en ai trouvé ? Au BHV ! Tu y aurais pensé toi, à aller au BHV pour du papier à lettres ? J’ai acheté des timbres. Et là aussi, crois-moi ou non, ça devient compliqué ! A la Poste, tu fais la queue pour la banque, pour la téléphonie, éventuellement l’envoi d’un colis mais quand tu demandes un carnet de timbres, ils te regardent avec des yeux de merlans frits. Je ne te dis même pas si jamais tu oses demander de jolis timbres. Je ne sais pas si tu collectionnes mais je me suis dit que ça serait joli aussi. Tu vois, je pense à t’écrire souvent. J’ai tout préparé. Même un joli stylo à l’encre violette. Mais je n’ai pas ton adresse. Et ça, c’est une autre paire de manches. Les pages blanches, tu vois, ça n’existe plus ! Et sur Internet, je ne te trouve pas…
Alors me diras-tu, pourquoi je pense à t’écrire si souvent ? Quand les éléments ne sont pas en phase avec ce souhait ? Je ne sais pas vraiment, j’en ai envie c’est tout. Mais tu sais le pire dans tout ça ? Je ne sais pas comment tu t’appelles. C’est quand même important à savoir pour t’écrire, non ? J’imagine parfois que tu t’appelles Simon. D’autres fois, tu t’appelles Sally. Parce que oui, pourquoi serais-tu forcément un garçon ? Voilà, je pense à t’écrire, je pense aussi à ce que je pourrais t’écrire. Sais-tu ce qu’on peut écrire à un correspondant qu’on ne connaît pas encore, une personne avec laquelle on voudrait créer un lien, une connexion, un échange de courriers simples, banals ou des courriers enflammés ? Crois-tu que je peux te dire tout et n’importe quoi ? Mes peurs, mes craintes, mes doutes ? Mais aussi mes rêves, mes envies, mes désirs ? J’aurais peut-être espoir que tu me rassures pour les uns et que tu les assouvisses pour les autres.
Je t’écrirai de longues lettres je pense. Je ferai attention à m’appliquer, à bien écrire mes lettres, mes mots, mes phrases pour que tu ne luttes pas à me déchiffrer. Parce que oui, l’intérêt de notre future correspondance est bien d’écrire, d’écrire sur une feuille, avec un stylo, de sa plus belle écriture. J’aime le mystère qui s’en dégage. Tu essaieras de me deviner, j’en ferai de même. Penses-tu qu’on se livre plus par l’écriture ? Penses-tu qu’on peut aimer une personne qu’on ne connaît qu’à travers ses mots plutôt qu’une personne sur laquelle on tombe, debout quand on marche dans la rue ? Je te pose beaucoup de questions qui n’appellent pas vraiment de réponses, je m’en rends bien compte.
Je pense à t’écrire dès que j’ai un crayon ou un stylo à la main. Ça ne doit pas être si souvent que ça, me rétorqueras-tu, parce qu’aujourd’hui c’est devenu tellement rare de tenir un stylo dans sa main. Regarde autour de toi, le téléphone a pris une place tellement plus envahissante que le stylo ne trouve plus sa place. Je te rassure tout de suite, j’arrive à donner de l’espace à un stylo et à une feuille, un cahier ligné ou non, un post-it. J’aimerais te dire que j’écris sur les murs, sur les tables, mais je n’ai plus cette audace qu’ont les adolescents.
Je t’en dis trop. Tu vois, je réfléchis souvent à ce que je pourrais t’écrire, les limites que je devrais m’imposer ou au contraire, en profiter pour faire exploser les barrières. Je pense à comment je pourrais commencer. Qu’en penses-tu ? C’est mieux « Cher correspondant », mmm, non, trop solennel, « Cher inconnu », trop gnangnan. Ça serait quand même mieux avec ton prénom, non ? Ça te gênerait si j’invente ton prénom ? Ça pourrait démarrer une discussion. Pourquoi j’aurais choisi ce prénom, s’il signifie quelque chose pour moi, s’il signifie quelque chose tout court. Et est-ce que je signerais mon vrai prénom ? Ça aussi, c’est une question à se poser. En même temps, si je veux que tu me répondes, il faudra bien que tu aies un minimum d’informations. Ou alors, je te donne uniquement le numéro d’une boîte postale qu’on pourrait partager. Comme ça, on n’emmerde pas les facteurs. Ils seront préservés des intempéries. Il faudra aussi qu’on se mette d’accord sur les moments où chacun d’entre nous pourra aller vérifier la boîte postale.
Gardons du mystère sur qui je suis et sur qui tu es. Si on fait comme ça, je pourrais alors avoir un joli pseudo. Le choix de ce pseudo en dira sûrement plus long sur moi que je ne le pense. Tout comme le choix que j’aurai fait sur le nom que je te donnerai.
Et puis, qu’est-ce que je pourrais bien t’écrire ? Faudra-t-il que j’écrive forcément quelque chose d’intéressant, quelque chose qui attire ton attention, quelque chose qui te donnera envie de me répondre ? C’est peut-être pour cela qu’il y aura des questions dans ma lettre. Même si elles n’appellent pas de réponses. Des questions pour te laisser la possibilité de revenir vers moi. Des questions comme des portes qui pourront être ouvertes sur une discussion ou une autre. Mais pas trop de questions non plus. Il ne faudrait pas que ça ressemble à un interrogatoire.
Où placer le curseur de la curiosité, du mystère à maintenir ? Tu partages sûrement mon avis sur le fait que si je t’écris, c’est quand même pour faire ta connaissance, pour faire connaissance tout simplement. Donc une partie du mystère sera dévoilé.
Je pourrais commencer par t’écrire les plus banales des banalités. Te dire que je mangerais bien une saucisse frites, que j’ai acheté une savonnette parfumée au jasmin et que je ne l’utilise finalement pas. Je pourrais aussi te faire un bulletin météo en te disant que chez moi, il pleut sans discontinuer depuis le milieu de la nuit mais j’imagine que ce sera la même chose chez toi si on partage notre boîte aux lettres. Tout ça n’aurait rien de vraiment passionnant mais ça pourrait être un moyen lamentable de briser la glace.
Je pourrais être plus sombre en t’avouant qu’un jour, je partirai d’ici. Je te dirais peut-être même où je voudrais partir, pourquoi j’ai ce besoin si vital de fuir, de m’échapper. Mais ce ne sera pas dans ma toute première lettre, c’est certain. Il faudrait qu’on ait d’abord échangé quelques lettres pour que je me sente libre de t’écrire des choses comme ça. Ou alors peut-être pas. Pourquoi j’attendrai pour te dire ce qui me passe par la tête, ce que j’ai sur le cœur ? De tout façon, je ne sais pas vraiment qui tu es et tu ne sais pas vraiment qui je suis. A moins que…bien au contraire…tu seras la personne qui me connaîtra le mieux. Va savoir.
Dans mon organisation, je photocopierai les courriers que je t’envoie avant de les déposer, au cas où tu répondrais à une question bien précise que j’aurais oubliée t’avoir posé. Je classerai les courriers envoyés et reçus par date. Oui, s’il te plaît, pensons bien à dater nos lettres, c’est essentiel pour cadrer l’espace-temps.
Je pense à t’écrire comme tu le vois, je remplis des pages et des pages de choses que je voudrais te dire, de comment te les dire. J’espère que tu n’es pas trop susceptible, que tu comprendras aussi ce que je dis entre les lignes ? Je consacrerai évidemment quelques paragraphes à te deviner, à te décrire. Je t’écrirai sûrement « tu as 35 ans, je crois ». J’hésiterai à te dire mon âge, le vrai. Je t’avouerai te trouver beaucoup trop jeune pour moi. Ça ajoutera de la distance entre nous, ça éloignera un désir naissant que j’espérerai être réciproque. Tu comprendras que cette correspondance me protègera de toi, de moi, d’un possible nous. Tu valideras que c’est le meilleur moyen de ne pas souffrir en amour. Et puis, tu t’aviseras parce que nous le savons tous les deux, ce n’est pas vrai du tout. Toi comme moi, nous aurons envie d’en savoir plus sur l’autre, nous aurons besoin de nous dévoiler l’un à l’autre. Et puis, oui, j’ose te l’écrire dès aujourd’hui alors que je ne sais rien de toi, nous ferons monter du désir l’un pour l’autre. La frustration prendra le dessus parfois, l’impatience encore plus.
Vois-tu où je veux en venir ? Cette correspondance, le temps qu’elle durera et elle pourra durer toute la vie, sera la meilleure chose qu’il nous sera arrivée à toi comme à moi. Un retour à des émotions pures et simples, pas toujours amoureuses, juste l’expression d’un souffle de vie, d’espoir, d’ouverture au monde. Il y a d’autres moyens me diras-tu mais tu verras que l’attente qu’on installera entre chaque lettre sera savoureuse.
Je me ferai des films, c’est obligé, si tu tardes trop à répondre. Je vais croire qu’il t’est arrivé quelque chose de grave, je vais même imaginer que tu es déjà mort et enterré au cimetière du Père Lachaise à côté de Louise. Louise, c’est ta femme, enfin j’imagine que tu es marié avec plein d’enfants. Que ta tristesse est immense parce qu’elle a perdu son combat et que tu n’as rien pu faire pour l’aider, ni toi, ni les médecins. C’était perdu d’avance. Je t’écrirai pour te remonter le moral, on parlera d’elle, de ce qu’elle représentait pour toi.
Je me cacherai derrière les discussions qui te concernent pour que tu n’en saches pas plus, pas trop sur moi. Tu te rappelleras parfois de ce que je t’avais écrit et tu tenteras « tu pars quand ? ». C’était ça la question, la vraie question. Mais y comprends-tu les sous-entendus ? Je ne crois pas. Tu ne veux la réponse qu’à « quand ». Donc, une date éventuelle. Entre les lignes, j’espérerai que tu me demandes : tu vas où ? Est-ce qu’on y va ensemble ? Pour combien de temps ? Sera-t-on plus heureux là-bas ? Laissera-t-on nos peines derrière ? Tu vois combien de portes cette simple question ouvre dans ma tête. Elle me fait regarder au-delà des frontières.
Je digresse cher correspondant, cher inconnu, cher Simon, chère Sally, cher je n’ai pas encore choisi ton nom.
En fait, je voulais surtout te dire que toute l’inquiétude qui s’accumule dans cette attente longue et infinie s’évapore en une joie éclatante, vibrante lorsque tu verras une lettre dans la boîte postale. Tout s’efface en une seconde magique.
Oui, je sais, c’est daté, c’est surfait, c’est d’une autre époque mais j’aimerais faire revivre des échanges épistolaires avec toi. On s’autorisera peut-être le partage de nos coordonnées, nos vrais noms, notre véritable adresse. Mais, s’il te plaît, même si un jour nous en arrivons là, ne viens pas m’attendre en bas de l’immeuble comme je ne viendrai pas sur le seuil de ta porte. L’autorisation de faire un pas de plus viendra ou ne viendra pas. Respectons chacun ce que l’on peut donner et ce que l’on peut recevoir.
Je pense à t’écrire qu’il faut vivre sans s’arrêter. Lorsqu’on s’arrête, il est trop tard. Tu ne seras sûrement pas d’accord et tu répondras qu’il faut savoir s’arrêter et prendre le temps. C’est d’ailleurs pour cela que c’est à toi et rien qu’à toi que je propose cette correspondance.
Je pense à t’écrire à chaque film que je vois, à chaque expo qui m’a émue, à chaque livre que je termine.
Je pense à t’écrire quand mon cœur saigne et que j’aimerais que tu me prennes dans tes bras juste avec tes mots parce que, j’en suis convaincue, tu sauras trouver les mots qui m’apaisent.
Je pense à t’écrire quand la joie inonde mon corps, mon visage. J’aimerais que tu m’entendes rire et t’entendre rire avec moi.
Je pense à t’écrire lorsque j’ai peur, lorsque l’eau du lac est tellement noire dans le polar qui m’accapare, que j’aimerais que tu me tiennes la main. Tu me dirais « Tout ira bien, je te le promets » et je rirais aux éclats en te disant « bien évidemment, ce n’est qu’un bouquin ! »
Je pense à t’écrire. Souvent. Je pense à t’écrire et je t’aime déjà tellement. Comment est-ce possible ? Tu dois penser que je suis folle.
Je pense à t’écrire et à asperger ma dernière lettre de mon parfum pour te donner un peu de moi. J’espère que tu en feras de même sur ta lettre de réponse et prie pour que tu portes Habit Rouge.
A chaque lettre, je te devine un peu plus. Je confirme des hypothèses, je reviens sur des doutes. Tu t’affines, ton visage se fait plus clair, plus net.
Je pense à t’écrire pour qu’on se rencontre au café mais je crains qu’on ne s’écrive plus jamais après ça.
Je pense à t’écrire pour te donner mon numéro de téléphone pour tromper l’impatience, pour entendre ta voix.
Je pense à t’écrire comme tu n’as pas idée. Même s’il n’y a plus rien à se dire, même si je ne sais plus quoi te dire. Ai-je un puits sans fond de sujets de discussion ? Je ne sais pas. Les silences aussi sont nécessaires pour que la phrase suivante ait plus d’impact, pour reprendre sa respiration.
Je ne sais pas comment terminer, je t’écris, je ne cesse de t’écrire mais je ne t’envoie rien, tout est là, écrit ici mais ça ne part pas chez toi. Parce que je ne fais que penser à t’écrire et je ne le fais pas. Sauter le pas, je ne le fais pas.
Au fond de moi je crie, alors j’écris. Mais pas encore vraiment à toi. Ou peut-être que si.
Je pense à t’écrire. Je pense au choix des mots, à ceux qui nous viennent en tête, au bout du stylo, aux mots qui font de jolies phrases, aux mots qui ne veulent rien dire, ou si peu.
Je pense à t’écrire. Et toi ? Tu penses la même chose que moi ?
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PUBLICATIONS DES PARTICIPANTS
J’ai fréquenté durant plusieurs années les ateliers d’écriture Sous les Toits de Cécile et Philippe, que je viens de retrouver en novembre avec Les Petits Papiers. Depuis la pandémie, je me suis lancée un peu plus « sérieusement » dans l’écriture et mené certains projets à bien. Après « le Fils de l’autre », que j’ai déjà présenté sur ce blog, « Avenue du Père-Lachaise » est mon deuxième roman. Il est né de ce qui devait, au départ, être un recueil de nouvelles. Celles-ci étaient souvent liées les unes aux autres en une sorte de « suite », je les ai remaniées pour en faire cet OLNI (objet littéraire non identifié), qui a trouvé son éditrice, les Editions Marie Romaine, https://www.editionsmarieromaine.fr/. Ce roman choral est sorti en janvier 2024. En voici le pitchDeux femmes, trois hommes, un lieu : le cimetière du Père-Lachaise, à Paris. Au fil de ce roman, des vies se télescopent, des destins se lient, des êtres se trouvent ou se séparent. Les personnages rebondissent d’un chapitre à l’autre, tous réunis dans cette mystérieuse nécropole par l’absence, le manque, le deuil, l’espoir d’une renaissance. Si la mort a un jour croisé leur chemin et redessiné leur parcours, sa présence n’arrive jamais à obscurcir cette valse mi-joyeuse, mi-tragique, au terme de laquelle l’un d’eux va disparaître.Et le lien pour découvrir le livre : https://www.editionsmarieromaine.fr/product-page/avenue-du-p%C3%A8re-lachaise-monique-blond Merci pour votre lecture !
La danse du papillon provient d’un texte court produit pendant un atelier d’écriture que j’avais suivi il y a une trentaine d’années. Par la suite, j’ai repris cet écrit à plusieurs reprises, tout en rédigeant d’autres textes sans rapport avec cette ébauche. C’est plus tard que, disposant de temps et de disponibilité d’esprit, j’ai ressorti de mon ordinateur les brouillons successifs du petit texte initial pour travailler encore et encore une histoire dont je ne savais pas très bien où elle allait. Et petit à petit, quelque chose a commencé à prendre forme, qui s’était éloigné du tout premier texte d’atelier, qui puisait aussi dans d’autres textes moins anciens et se nourrissait de fragments nouveaux, parmi lesquels des ébauches écrites pendant des séances de l’Atelier sous les toits. Le soir, des personnages s’invitaient dans mes rêveries, rechignant parfois contre ce que je venais de leur faire faire ou contre le prénom que je leur avais donné, formant petit à petit l’histoire à ma place. Je griffonnais quelques notes et le lendemain, j’essayais de traduire ces notes en écriture… essais parfois fructueux, pas toujours ! Parvenir à la forme aboutie de La danse du papillon m’a pris plus de six ans. Si je reviens sur ce travail d’écriture, je peux distinguer plusieurs aspects. D’abord, le travail de la phrase : portée à écrire de longues phrases pleines de digressions et d’incises dans tous les sens, j’ai dû énormément les retravailler. Pendant plusieurs années, j’écrivais chaque jour un ou deux paragraphes, ou seulement deux ou trois lignes, et je les raturais et les réécrivais indéfiniment les jours suivants en me disant que c’était nul, et moi avec. L’écriture de La danse du papillon m’a servi d’exercice d’écriture mais aussi, en étant aussi quotidiennement présente, m’a coupée d’autres formes, comme par exemple la forme poétique dont je me suis éloignée à regret. Ensuite le travail de la structure : comment organiser l’histoire, présenter les évènements, ménager un certain suspens. Longtemps, le récit n’avait aucune structure, probablement aussi parce que les grandes lignes de l’histoire n’étaient pas encore clairement définies. Puis, quelque chose a « pris » et la structure est apparue. Evidemment, je n’avais pas fait de frise chronologique et mes personnages apparaissaient n’importe quand, à rebrousse-temps : pourquoi pas, en théorie, un récit temporellement déstructuré, mais cela ne se prêtait pas à l’histoire que je voulais raconter. Je me suis donc emmêlé les pinceaux jusqu’à ce que ça tienne à peu près et que je déclare la structure achevée. Désireuse d’en finir, je n’ai pas écouté la petite voix intérieure qui tentait de me dire qu’en fait la structure était bancale. Cécile, à qui j’ai confié la relecture de la première version de ce récit dans le cadre de l’Atelier Face à Face, m’en a aussitôt fait la remarque. Il a fallu me remettre à la tâche, couper, tailler et retailler et m’apercevoir qu’avec la nouvelle combinaison, ça ne collait plus, des évènements se produisent dans le mauvais sens, des gens mouraient avant d’être nés etc…. Finalement, ça c’est fait, en quelques mois. La manuscrit terminé, j’en ai éprouvé à la fois de la joie et de la légèreté. Je n’avais pas l’idée que cet écrit puisse être publié. Je l’ai offert à mes proches en format A4 et c’est de mon entourage qu’est venu l’encouragement à chercher un éditeur… J’ai mis du temps à faire la démarche, je ne me sentais pas légitime et je me demandais ce qu’un bouquin de plus viendrait ajouter à des masses et des masses de livres publiés chaque semaine…. Nombreux ont été les refus implicites (pas de réponse sous 4 mois signifie un refus) et les refus par courrier, certains assortis de commentaires encourageants, jusqu’à ce que les éditions de l’Harmattan acceptent de le publier. Je continue à me demander si publier est une fin en soi : ce qui a compté le plus, c’est d’avoir écrit. Mais maintenant, je ne peux plus faire abstraction du fait que ce livre est publié et c’est vrai que savoir son texte lu par d’autres yeux, d’autres oreilles, par des âmes éloignées que l’on ne connaît pas, et parfois en recevoir un témoignage, c’est tellement fort ! D’une certaine façon, on en fait l’expérience à une autre échelle en atelier d’écriture ou dans le blog de l’Atelier : le partage de ce que l’on a écrit, le retour des lecteurs ou des auditeurs (selon la forme de l’atelier) est une expérience du risque, de la remise en question mais aussi du partage et de la joie. La danse du papillon se commande dans toutes les librairies, sur les sites de vente en ligne et sur le site des éditions de l’Harmattan : https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_danse_du_papillon_aliette_zumthor_sallee-9782140294846-74491.html
Tout est parti d’un courrier de lecteur, découvert en septembre 2019 : un professeur de physique-chimie reconnaît, dans sa classe, le fils de son ancien harceleur, qui ressemble trait pour trait à son père. Il s’inquiète auprès de la psychologue de sa réaction possible envers cet élève : ne sera-t-il pas tenté de lui faire payer les persécutions du père, même inconsciemment ? La thérapeute lui répond, entre autres choses, qu’il y a là matière à écrire un roman ! Le samedi, à l’atelier Petits Papiers, chez Cécile et Philippe, je choisis d’écrire un texte inspiré de cette histoire, au gré des fameux « petits papiers ». Les retours plutôt positifs m’encouragent à peaufiner à la maison ma nouvelle Le Portrait de son père, que j’envoie à trois ou quatre revues. L’envie d’aller plus loin ne me quitte pas et je m’inscris à un atelier Premier Roman (en formation pro), pour transformer la nouvelle en roman. En avril 2020, la revue Brèves m’appelle pour m’informer qu’elle souhaite publier Le Portrait de son père dans son numéro 116 (collectif « Jeunesse »). Cela renforce encore ma motivation pour le roman, dont j’achève le premier jet en juin. Je poursuis la réécriture les mois suivants. En plus des retours obtenus en atelier, je fais « diagnostiquer » mon texte en janvier 2021 par un site professionnel, puis, après l’avoir remanié, je commence à envoyer mon manuscrit à des éditeurs en septembre 2021, assorti d’une lettre de présentation longuement travaillée, d’un synopsis, etc. Je continue mes envois jusqu’en mars 2022. Sur la quarantaine d’éditeurs contactés, j’obtiendrai six réponses, toutes négatives, mais parfois encourageantes (quand même !). Enfin, en avril 2022, un éditeur (IGB) me téléphone : il a aimé mon roman, mais attend d’avoir l’avis de son comité de lecture et de son associée pour me donner un accord définitif. La même semaine (!), les Editions Il est Midi me contactent à leur tour pour me proposer directement un contrat. C’est avec eux que je signe, en juin 2022. Mon roman, le Fils de l’autre, sort le 10 octobre. L’expérience a été intéressante, même si le livre n’est vendu que sur commande (en librairie, à la Fnac, chez Amazon et sur tous les sites marchands), donc peu visible. Par ailleurs, Il est Midi n’organise pas de dédicaces et ne participe pas à des salons. Enfin, je n’ai jamais rencontré mes éditeurs, nous n’avons échangé que par mail et au téléphone. J’ai donc réalisé moi-même mon dossier de presse et obtenu deux chroniques (sur Femina.fr et Télé-7-Jours) et deux interviews. Un club de lecture, à Pierrefonds, m’a également invitée à une journée de présentation, et je me suis inscrite à deux salons en 2023 (réponse en attente). L’aventure continue, sans bruit, mais c’est formateur… Encore merci à Cécile et Philippe, dont l’atelier Petits Papiers m’a permis de poser les jalons de mon projet. Je leur ai même volé une très jolie phrase, tirée au hasard des « petits papiers » et que j’ai gardée dans le roman, bien évidemment ! Monique Coant-Blond Pour en savoir plus sur le livre, n’hésitez pas à aller sur mes pages Facebook https://www.facebook.com/profile.php?id=100082078084319 et Instagram https://www.instagram.com/emsie_blond/?hl=fr ou, pourquoi pas, sur le site de l’éditeur https://editions-il-est-midi.eproshopping.fr/1740324-LE-FILS-DE-L-AUTRE-Monique-Coant-Blond
LIVRES AIMÉS
J’ai aimé l’atmosphère; j’ai souri ; j’ai admiré le style; j’ai râlé de frustration lorsque je découvrais les personnages petit à petit et non bien campés en début de livre ; j’ai frémi devant le suspens de l’histoire et des personnages; je me suis laissée bercer par l’ambivalence constante entre rêve et réalité; j’ai été touchée quand j’ai enfin compris les visites d’amitié et de souvenirs de ce groupe hétéroclite et j’ai même versé une larme en refermant le livre.
En passant dans le rayons BD (au RDC, pour les grands, pas au 3e chez les enfants) d’une médiathèque, je me suis arrêtée sur Profession du père, de Sébastien Gnaedig. C’est une adaptation du roman de Sorj Chalandon. Je vous le dis tout de suite : je n’ai pas lu la version sans images. Mais la version adaptée a renforcé l’envie de la découvrir, même si je peux m’attendre à une violence accrue. En noir et blanc, en quelques dessins, l’intensité est présente. La dérive d’une homme dans une période sombre de l’histoire de France. « Les événements » dans nos livres d’histoire, pour ne pas dire « la guerre » d’Algérie. Je ne sais pas ce qu’en pensent celles et ceux qui ont lu S. Chalandon. Cette adaptation est une introduction, une ouverture. Profession du père est publié aux éditions Futuropolis en 2018.
Le point de départ de l’auteure est que nous avons été, ou serons, toutes et tous un jour confrontés à la mort de notre mère. La narratrice, journaliste célibataire de 31 ans, décrit ce qui l’oppose à sa sœur, mariée, 2 enfants. Leur mère meurt brutalement. Assassinée. Le lecteur suit avec la narratrice l’enquête, les arrangements pour vider la maison, ce que deviennent les relations familiales et sociales lorsque l’on perd sa mère aussi dramatiquement. Des secrets vont au fil des pages transformer des vérités jusqu’ici bien établies. Il y a beaucoup d’humour dans ces pages. Et des rebondissements. Le récit m’a parlé, souvent. Mère disparue est paru en 2007, édité par les éditions Philippe Rey.
Trois livres en forme de trilogie de Deborah Levy, auteure sud-africaine vivant en Grande-Bretagne : Le goût de la vie, Ce que je ne veux pas savoir et Etat des lieux. Les ouvrages sont traduits par Céline Leroy. Une écriture très ancrée dans la vie, mais en même temps très subtile, où l’auteure à la fois s’interroge sur la présence du passé dans le présent, et très souvent décale notre regard sur des évènements très simples et quotidiens pour en dégager un aspect neuf. Elle y excelle lorsqu’elle questionne, sans verser dans la démonstration, les rapports de genre, son travail d’écrivaine, ses rêves non réalisés. Elle est souvent drôle, légère et toujours intéressante. Merci à la traduction excellente.
Le cercle des menteurs ou Contes Philosophiques du monde entier rapportés par Jean-Claude Carrière. Habituellement, le terme de « contes philosophiques » me donne envie de rebrousser chemin car c’est un genre dont le ton appuyé, l’intention de donner des leçons produit souvent des textes ennuyeux et « voulus » (ce n’est que mon avis !). Ici, c’est tout le contraire : histoires courtes, du conte à la blague, racontées avec le brio qu’a Jean-Claude Carrière pour s’exprimer. Si l’on connait sa voix, on a l’impression en lisant qu’il est présent et qu’il conte à haute voix. Le premier comme le deuxième tome sont des régals. (en photo le deuxième tome)
Un texte très court (78 pages) sur la maladie contractée à son travail par le père du narrateur. Ce que j’ai aimé dans cette écriture, c’est que sous l’apparente pauvreté émotionnelle du texte, l’auteur, en nous livrant la stricte description des faits et gestes des protagonistes, sans à aucun moment ne juger quiconque, nous laisse toute la place pour mobiliser notre propre émotion et penser par nous-mêmes.
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