L’histoire d’un prénom est chargée. Elle dit d’où l’on vient, elle raconte la vie, elle est portée par un individu unique. Et même si certains ont le même prénom, aucun n’a pourtant la même histoire. Il y en a qui traversent les saisons, d’autres qui marquent une époque, d’autres disparus de la circulation parce que trop connotés dans l’histoire commune.
Est-ce difficile de donner un prénom ? Est-ce difficile de le choisir quand on change de région, de religion, d’adhésion ?
L’histoire d’un prénom rappelle des souvenirs, des émotions, des parfums.
A chaque histoire qui débute, il est essentiel de savoir de quoi il retourne. Tania a lu les premières pages du livre. Sur la deuxième de couverture, c’est écrit au crayon à papier, Joseph, 6ème B. C’est presque illisible, presque effacé. Tania aurait aimé que le livre lui raconte l’histoire de ce Joseph qui a eu ce livre entre les mains bien avant elle.
Elle ne se souvient plus des premières lignes lues, il lui faudra peut-être les relire pour entrer dans l’histoire. Pour le moment, elle refuse de s’y replonger.
Elle prend son cahier de brouillon et écrit à l’encre violette, puis à l’encre turquoise le prénom Joseph. Elle s’applique, elle délie les lettres, insiste sur la majuscule. Elle cherche un feutre d’une autre couleur. Elle pioche le gris. Elle hésite. Elle craint de mettre du gris, de la tristesse dans la vie de Joseph. Elle pioche un autre feutre, elle ferme les yeux, elle espère piocher du rose.
Son chat passe entre ses mollets. Ça la chatouille. Elle en fait tomber le feutre qui glisse derrière son bureau.
Sa mère l’appelle. C’est l’heure du goûter.
– Alors, ma chérie, il est bien ton livre ?
– Je ne sais pas, j’ai pas vraiment commencé.
– Et tu dois le lire pour quand ?
– La prof a dit pour lundi.
– Il y a beaucoup de pages ?
– Maman, tu sais d’où il vient le livre ?
– Non, pas vraiment, je l’ai pris d’occasion, il n’y en avait plus en stock. Le libraire l’a trouvé au fin fond de sa boutique.
– Ah, c’est dommage. Tu crois que le libraire saurait ?
– Peut-être. Pourquoi tu demandes ça ?
– Pour rien. Comme ça.
Un court silence s’installe. Un bruit de vaisselle le rompt.
– Tiens, mon chat, c’est la boisson du jour. Tu m’en diras des nouvelles.
– C’est quoi ?
– Devine un peu.
– Du lait chaud, bien mousseux. Tu as mis de la crème chantilly. C’est joli comme c’est présenté. Attends je fais un trou pour goûter dessous.
– Tania creuse son île de chantilly flottante. Elle sirote le lait chaud.
– Ça a un autre goût que le cacao, dit-elle.
– Oui, c’est vrai. Tu aimes ?
– C’est différent. J’aime bien les vermicelles de toutes les couleurs sur la chantilly.
– Et pourtant, ça n’a pas de goût, c’est juste pour faire joli.
– Le lait a un goût de noisettes, pas trop de chocolat et puis il y a une odeur qui me monte au nez.
– Ah bon ? Tu n’aimes pas ?
– Ben en fait, c’est un peu compliqué de savoir si on aime si on ne sait pas ce que c’est.
– Goûte. Tu verras. Je te prépare une tartine en attendant.
– Ça rend le lait tout marron ce que t’as fait. Ça donne pas vraiment envie.
– Ferme les yeux alors et trempe les lèvres.
Daria tranche la baguette bien fraîche et croustillante. Elle enlève un peu de mie qu’elle pose à côté de Tania. Elle beurre généreusement. Elle hésite à mettre du miel ou de la confiture. Elle penche finalement pour la confiture. Dans le frigo, elle en a à la cerise griotte ou à la figue.
Tania s’installe dans le canapé, s’enroule dans le plaid. Elle a encore le goût du lait parfumé sur les papilles. Son livre est posé sur ses genoux, elle lit le titre sans vraiment le voir. Elle s’attarde sur les marques de pliure, comme de petites fissures sur la couverture. Elle remarque sur les pages jaunis une auréole sur la tranche.
Qu’a bien pu faire Joseph avec son livre ? A-t-il renversé le lait chaud que sa mère lui avait préparé ? A-t-il réussi, lui, à lire ce livre pour l’école ?
Tania se décide enfin à reprendre sa lecture. Elle se convainc qu’elle partagera ce moment avec Joseph. A chaque scène, elle se demande comment il a réagi, ce qu’il a compris de l’histoire. Elle se demande parfois si l’histoire est tirée d’une histoire vraie. Ça lui fait peur parfois de le penser car elle a l’impression de s’enfoncer dans la forêt pour se perdre. Si l’histoire est vraie, elle est terrifiante, elle ne s’en sortira pas vivante. Si l’histoire est inventée, elle retrouvera le chemin semé de petits cailloux.
L’histoire ne lui plaît pas tant que ça. Son esprit est confus. Joseph réapparaît distraitement sur des pages : une croix en début de paragraphe, des crochets en milieu de ligne, des mots soulignés.
Tania se demande s’il n’a pas compris ces mots, s’il a cherché dans le dictionnaire, ce qu’il a trouvé comme définition. Elle se dit qu’ils se seraient sûrement compris puisqu’elle ne comprend pas les mêmes mots que lui, elle s’arrête de lire en même temps que lui. Elle le remarque aux pages cornées. Ils en ont eu assez aux mêmes moments.
Elle est certaine qu’il a aussi râlé contre sa prof de français, contre ce choix de lecture obligatoire dont elle ne se souviendra pas dans quelques années.
Ce dont elle est certaine, c’est qu’elle se souviendra de Joseph.
Tania s’endort le livre ouvert à ses côtés. Elle s’est fait la promesse d’aller voir le libraire pour en savoir plus.
Elle se réveille avant le jour, elle ne fait pas un bruit, elle s’habille chaudement, elle attrape une banane et part avec son cartable sur le dos.
La librairie est fermée, il est encore trop tôt. Elle pose ses mains sur la vitrine et appuie son front. Elle déchiffre les titres de tous les livres exposés. Elle essaie d’en deviner le contenu. Que cachent les feuilles mortes ? Drôle de titre, se dit-elle. Sur le bandeau, en grandes lettres blanches, il est écrit prix de littérature étrangère.
Elle cherche le prix des lycéens. Elle suppose que ça lui parlera plus, que ça lui plaira plus. Rien en vitrine. Elle se demande si le prix a déjà été décerné cette année.
Elle entend une clé tinter tout près. Le libraire a un gobelet fumant à la main et de l’autre, il ouvre machinalement la porte. Il entre, allume les lumières, passe directement en réserve. Il n’a pas vu Tania entrer. Il ressort un carton dans les bras. Il la salue. Elle répond timidement.
– Tu cherches quelque chose en particulier ? lui demande-t-il.
– Oui, je crois. Je ne sais pas si vous pouvez me renseigner.
– Dis toujours.
– Ben voilà, ma mère est venue il y a quelques jours et elle vous a acheté un livre d’occasion.
– Oui, je me souviens bien, on est en rupture de stock sur ce livre. D’ailleurs, je ne comprends pas pourquoi car ce n’est pas le roman du siècle. Il y a tellement d’écrits beaucoup mieux réussis.
– Oui, je suis d’accord. Mais en fait, je voulais savoir si vous connaissiez Joseph.
– Joseph ?
– Oui, Joseph, 6ème B, c’était son livre.
– Désolé, mon petit, ça ne me dit rien.
– Ah c’est dommage, je suis sûre que c’était un garçon sympa.
– Attends, je vais voir dans le carton s’il y a d’autres informations.
Le libraire s’éclipse et revient avec un carton tout poussiéreux.
– Regarde là-dedans si tu veux pendant que je m’occupe de la réception de mes commandes.
Tania fouille, manque d’éternuer plusieurs fois. Sur certains livres, la même écriture en deuxième de couverture et toujours Joseph. Sur d’autres, un espace vide, et d’autres encore avec des prénoms différents. Elle ne récupère que ceux avec Joseph écrit dessus. Dans un livre d’histoire, il y a le cachet d’une école. Joseph est allé au même collège qu’elle.
Tout à l’heure, elle demandera à la gardienne si elle peut l’aider.
Avant de partir, elle remercie le libraire et lui demande :
– A tout hasard, vous avez le nouveau prix des lycéens ?
– Oui, je l’ai mais il est dans ma commande, je ne sais pas dans quel carton il est. Repasse après tes cours, tu veux bien ?
– Ok, merci Monsieur, bonne journée.
Tania sautille jusqu’à l’école. Elle est très en avance. Ça la change. D’habitude, elle arrive en courant et la gardienne referme le portail juste derrière elle. Là, elle prendra le temps de parler avec elle avant que ça sonne. Elle arrive tout sourire, la gardienne vient à peine d’ouvrir les portes.
– Bonjour Madame.
– Tiens, bonjour Tania, bien matinale aujourd’hui.
– Oui c’est vrai…Je peux vous poser une question.
– Bien sûr.
– Ça fait longtemps que vous êtes gardienne dans ce collège ?
– Oh la la, si tu savais.
– Alors vous connaissez peut-être Joseph.
– Joseph ?
– Oui, Joseph, 6èmeB.
– Tu sais des Joseph, il y en a eu quelques-uns.
– Oui mais peut-être pas tous en 6èmeB.
– C’est vrai. Attends je vais réfléchir. Je te dirai ce soir si j’ai retrouvé.
Tania entre dans la cour encore bien silencieuse. Le bruit s’installe au fur et à mesure. La cloche sonne. Tania monte en classe. Elle n’écoute rien de la journée, ni les profs, ni sa copine qui lui raconte qu’elle est amoureuse de Sacha.
– De qui ? se reprend Tania.
– De Sacha.
– Ah bon ? Mais tu lui as déjà parlé ?
– Ben non mais il est mignon, tu trouves pas ?
– Ouais bof, si tu le dis.
La cloche sonne. C’est enfin la fin de la journée. La gardienne lui a promis de voir pour Joseph. Tania court la rejoindre.
– Alors ?
– Alors j’ai trouvé ça, c’est tout.
– Une photo de classe ?
– Oui.
– Et alors, il était gentil Joseph ?
– Un peu timide mais un bon petit gars au fond.
– Merci Madame, bonne soirée.
Tania a vu le visage de Joseph, 6ème B. Elle l’avait imaginé presque pareil.
Elle s’arrête devant la librairie. Elle entre. Le libraire n’attend même pas qu’elle lui adresse la parole :
– Tiens, j’ai trouvé dans mes cartons le prix des lycéens.
– Le secret ?
– Oui, c’est un joli titre, tu ne trouves pas ?
– Oui, c’est étonnant…Vous savez, Monsieur, ma mère m’a toujours dit que si on inversait deux lettres dans mon prénom, ça voulait dire secret.
– Ah, l’histoire des prénoms, il y a toujours une dose de magie dedans. Tiens, je te l’offre. Tu m’en diras des nouvelles.
– C’est marrant, Maman dit ça souvent aussi quand elle fait des expériences culinaires, pense Tania. Merci, Monsieur, c’est gentil. Très bonne soirée.
Arrivée à la maison, Tania s’enfonce dans le canapé, sous un plaid, et lit d’un trait Le Secret. Le personnage principal s’appelle Joseph et quelque part au fond d’elle, Tania se prend à croire que c’est l’histoire de Joseph, 6ème B, sa vraie histoire.
Sans un bruit, sa mère lui pose une tasse de lait chaud avec du cacao, des mini-marshmallows qui flottent dedans et une pincée de cardamone. Elle lui fait un bisou sur le front.
– Maman ?
– Oui mon cœur.
– Pourquoi je m’appelle Tania ?
– Parce que si on inverse deux lettres, ça veut dire secret.
– Mais en quelle langue, Maman ?
– Une langue qui vient du cœur, mon ange.
– Et ton prénom, il veut dire quelque chose ?
– Oui sûrement, évite-t-elle.
– Et pourquoi tu voulais que mon prénom se rapproche de secret ?
– Parce que l’amour est le sentiment universel le plus secret au monde.
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PUBLICATIONS DES PARTICIPANTS
J’ai fréquenté durant plusieurs années les ateliers d’écriture Sous les Toits de Cécile et Philippe, que je viens de retrouver en novembre avec Les Petits Papiers. Depuis la pandémie, je me suis lancée un peu plus « sérieusement » dans l’écriture et mené certains projets à bien. Après « le Fils de l’autre », que j’ai déjà présenté sur ce blog, « Avenue du Père-Lachaise » est mon deuxième roman. Il est né de ce qui devait, au départ, être un recueil de nouvelles. Celles-ci étaient souvent liées les unes aux autres en une sorte de « suite », je les ai remaniées pour en faire cet OLNI (objet littéraire non identifié), qui a trouvé son éditrice, les Editions Marie Romaine, https://www.editionsmarieromaine.fr/. Ce roman choral est sorti en janvier 2024. En voici le pitchDeux femmes, trois hommes, un lieu : le cimetière du Père-Lachaise, à Paris. Au fil de ce roman, des vies se télescopent, des destins se lient, des êtres se trouvent ou se séparent. Les personnages rebondissent d’un chapitre à l’autre, tous réunis dans cette mystérieuse nécropole par l’absence, le manque, le deuil, l’espoir d’une renaissance. Si la mort a un jour croisé leur chemin et redessiné leur parcours, sa présence n’arrive jamais à obscurcir cette valse mi-joyeuse, mi-tragique, au terme de laquelle l’un d’eux va disparaître.Et le lien pour découvrir le livre : https://www.editionsmarieromaine.fr/product-page/avenue-du-p%C3%A8re-lachaise-monique-blond Merci pour votre lecture !
La danse du papillon provient d’un texte court produit pendant un atelier d’écriture que j’avais suivi il y a une trentaine d’années. Par la suite, j’ai repris cet écrit à plusieurs reprises, tout en rédigeant d’autres textes sans rapport avec cette ébauche. C’est plus tard que, disposant de temps et de disponibilité d’esprit, j’ai ressorti de mon ordinateur les brouillons successifs du petit texte initial pour travailler encore et encore une histoire dont je ne savais pas très bien où elle allait. Et petit à petit, quelque chose a commencé à prendre forme, qui s’était éloigné du tout premier texte d’atelier, qui puisait aussi dans d’autres textes moins anciens et se nourrissait de fragments nouveaux, parmi lesquels des ébauches écrites pendant des séances de l’Atelier sous les toits. Le soir, des personnages s’invitaient dans mes rêveries, rechignant parfois contre ce que je venais de leur faire faire ou contre le prénom que je leur avais donné, formant petit à petit l’histoire à ma place. Je griffonnais quelques notes et le lendemain, j’essayais de traduire ces notes en écriture… essais parfois fructueux, pas toujours ! Parvenir à la forme aboutie de La danse du papillon m’a pris plus de six ans. Si je reviens sur ce travail d’écriture, je peux distinguer plusieurs aspects. D’abord, le travail de la phrase : portée à écrire de longues phrases pleines de digressions et d’incises dans tous les sens, j’ai dû énormément les retravailler. Pendant plusieurs années, j’écrivais chaque jour un ou deux paragraphes, ou seulement deux ou trois lignes, et je les raturais et les réécrivais indéfiniment les jours suivants en me disant que c’était nul, et moi avec. L’écriture de La danse du papillon m’a servi d’exercice d’écriture mais aussi, en étant aussi quotidiennement présente, m’a coupée d’autres formes, comme par exemple la forme poétique dont je me suis éloignée à regret. Ensuite le travail de la structure : comment organiser l’histoire, présenter les évènements, ménager un certain suspens. Longtemps, le récit n’avait aucune structure, probablement aussi parce que les grandes lignes de l’histoire n’étaient pas encore clairement définies. Puis, quelque chose a « pris » et la structure est apparue. Evidemment, je n’avais pas fait de frise chronologique et mes personnages apparaissaient n’importe quand, à rebrousse-temps : pourquoi pas, en théorie, un récit temporellement déstructuré, mais cela ne se prêtait pas à l’histoire que je voulais raconter. Je me suis donc emmêlé les pinceaux jusqu’à ce que ça tienne à peu près et que je déclare la structure achevée. Désireuse d’en finir, je n’ai pas écouté la petite voix intérieure qui tentait de me dire qu’en fait la structure était bancale. Cécile, à qui j’ai confié la relecture de la première version de ce récit dans le cadre de l’Atelier Face à Face, m’en a aussitôt fait la remarque. Il a fallu me remettre à la tâche, couper, tailler et retailler et m’apercevoir qu’avec la nouvelle combinaison, ça ne collait plus, des évènements se produisent dans le mauvais sens, des gens mouraient avant d’être nés etc…. Finalement, ça c’est fait, en quelques mois. La manuscrit terminé, j’en ai éprouvé à la fois de la joie et de la légèreté. Je n’avais pas l’idée que cet écrit puisse être publié. Je l’ai offert à mes proches en format A4 et c’est de mon entourage qu’est venu l’encouragement à chercher un éditeur… J’ai mis du temps à faire la démarche, je ne me sentais pas légitime et je me demandais ce qu’un bouquin de plus viendrait ajouter à des masses et des masses de livres publiés chaque semaine…. Nombreux ont été les refus implicites (pas de réponse sous 4 mois signifie un refus) et les refus par courrier, certains assortis de commentaires encourageants, jusqu’à ce que les éditions de l’Harmattan acceptent de le publier. Je continue à me demander si publier est une fin en soi : ce qui a compté le plus, c’est d’avoir écrit. Mais maintenant, je ne peux plus faire abstraction du fait que ce livre est publié et c’est vrai que savoir son texte lu par d’autres yeux, d’autres oreilles, par des âmes éloignées que l’on ne connaît pas, et parfois en recevoir un témoignage, c’est tellement fort ! D’une certaine façon, on en fait l’expérience à une autre échelle en atelier d’écriture ou dans le blog de l’Atelier : le partage de ce que l’on a écrit, le retour des lecteurs ou des auditeurs (selon la forme de l’atelier) est une expérience du risque, de la remise en question mais aussi du partage et de la joie. La danse du papillon se commande dans toutes les librairies, sur les sites de vente en ligne et sur le site des éditions de l’Harmattan : https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_danse_du_papillon_aliette_zumthor_sallee-9782140294846-74491.html
Tout est parti d’un courrier de lecteur, découvert en septembre 2019 : un professeur de physique-chimie reconnaît, dans sa classe, le fils de son ancien harceleur, qui ressemble trait pour trait à son père. Il s’inquiète auprès de la psychologue de sa réaction possible envers cet élève : ne sera-t-il pas tenté de lui faire payer les persécutions du père, même inconsciemment ? La thérapeute lui répond, entre autres choses, qu’il y a là matière à écrire un roman ! Le samedi, à l’atelier Petits Papiers, chez Cécile et Philippe, je choisis d’écrire un texte inspiré de cette histoire, au gré des fameux « petits papiers ». Les retours plutôt positifs m’encouragent à peaufiner à la maison ma nouvelle Le Portrait de son père, que j’envoie à trois ou quatre revues. L’envie d’aller plus loin ne me quitte pas et je m’inscris à un atelier Premier Roman (en formation pro), pour transformer la nouvelle en roman. En avril 2020, la revue Brèves m’appelle pour m’informer qu’elle souhaite publier Le Portrait de son père dans son numéro 116 (collectif « Jeunesse »). Cela renforce encore ma motivation pour le roman, dont j’achève le premier jet en juin. Je poursuis la réécriture les mois suivants. En plus des retours obtenus en atelier, je fais « diagnostiquer » mon texte en janvier 2021 par un site professionnel, puis, après l’avoir remanié, je commence à envoyer mon manuscrit à des éditeurs en septembre 2021, assorti d’une lettre de présentation longuement travaillée, d’un synopsis, etc. Je continue mes envois jusqu’en mars 2022. Sur la quarantaine d’éditeurs contactés, j’obtiendrai six réponses, toutes négatives, mais parfois encourageantes (quand même !). Enfin, en avril 2022, un éditeur (IGB) me téléphone : il a aimé mon roman, mais attend d’avoir l’avis de son comité de lecture et de son associée pour me donner un accord définitif. La même semaine (!), les Editions Il est Midi me contactent à leur tour pour me proposer directement un contrat. C’est avec eux que je signe, en juin 2022. Mon roman, le Fils de l’autre, sort le 10 octobre. L’expérience a été intéressante, même si le livre n’est vendu que sur commande (en librairie, à la Fnac, chez Amazon et sur tous les sites marchands), donc peu visible. Par ailleurs, Il est Midi n’organise pas de dédicaces et ne participe pas à des salons. Enfin, je n’ai jamais rencontré mes éditeurs, nous n’avons échangé que par mail et au téléphone. J’ai donc réalisé moi-même mon dossier de presse et obtenu deux chroniques (sur Femina.fr et Télé-7-Jours) et deux interviews. Un club de lecture, à Pierrefonds, m’a également invitée à une journée de présentation, et je me suis inscrite à deux salons en 2023 (réponse en attente). L’aventure continue, sans bruit, mais c’est formateur… Encore merci à Cécile et Philippe, dont l’atelier Petits Papiers m’a permis de poser les jalons de mon projet. Je leur ai même volé une très jolie phrase, tirée au hasard des « petits papiers » et que j’ai gardée dans le roman, bien évidemment ! Monique Coant-Blond Pour en savoir plus sur le livre, n’hésitez pas à aller sur mes pages Facebook https://www.facebook.com/profile.php?id=100082078084319 et Instagram https://www.instagram.com/emsie_blond/?hl=fr ou, pourquoi pas, sur le site de l’éditeur https://editions-il-est-midi.eproshopping.fr/1740324-LE-FILS-DE-L-AUTRE-Monique-Coant-Blond
LIVRES AIMÉS
J’ai aimé l’atmosphère; j’ai souri ; j’ai admiré le style; j’ai râlé de frustration lorsque je découvrais les personnages petit à petit et non bien campés en début de livre ; j’ai frémi devant le suspens de l’histoire et des personnages; je me suis laissée bercer par l’ambivalence constante entre rêve et réalité; j’ai été touchée quand j’ai enfin compris les visites d’amitié et de souvenirs de ce groupe hétéroclite et j’ai même versé une larme en refermant le livre.
En passant dans le rayons BD (au RDC, pour les grands, pas au 3e chez les enfants) d’une médiathèque, je me suis arrêtée sur Profession du père, de Sébastien Gnaedig. C’est une adaptation du roman de Sorj Chalandon. Je vous le dis tout de suite : je n’ai pas lu la version sans images. Mais la version adaptée a renforcé l’envie de la découvrir, même si je peux m’attendre à une violence accrue. En noir et blanc, en quelques dessins, l’intensité est présente. La dérive d’une homme dans une période sombre de l’histoire de France. « Les événements » dans nos livres d’histoire, pour ne pas dire « la guerre » d’Algérie. Je ne sais pas ce qu’en pensent celles et ceux qui ont lu S. Chalandon. Cette adaptation est une introduction, une ouverture. Profession du père est publié aux éditions Futuropolis en 2018.
Le point de départ de l’auteure est que nous avons été, ou serons, toutes et tous un jour confrontés à la mort de notre mère. La narratrice, journaliste célibataire de 31 ans, décrit ce qui l’oppose à sa sœur, mariée, 2 enfants. Leur mère meurt brutalement. Assassinée. Le lecteur suit avec la narratrice l’enquête, les arrangements pour vider la maison, ce que deviennent les relations familiales et sociales lorsque l’on perd sa mère aussi dramatiquement. Des secrets vont au fil des pages transformer des vérités jusqu’ici bien établies. Il y a beaucoup d’humour dans ces pages. Et des rebondissements. Le récit m’a parlé, souvent. Mère disparue est paru en 2007, édité par les éditions Philippe Rey.
Trois livres en forme de trilogie de Deborah Levy, auteure sud-africaine vivant en Grande-Bretagne : Le goût de la vie, Ce que je ne veux pas savoir et Etat des lieux. Les ouvrages sont traduits par Céline Leroy. Une écriture très ancrée dans la vie, mais en même temps très subtile, où l’auteure à la fois s’interroge sur la présence du passé dans le présent, et très souvent décale notre regard sur des évènements très simples et quotidiens pour en dégager un aspect neuf. Elle y excelle lorsqu’elle questionne, sans verser dans la démonstration, les rapports de genre, son travail d’écrivaine, ses rêves non réalisés. Elle est souvent drôle, légère et toujours intéressante. Merci à la traduction excellente.
Le cercle des menteurs ou Contes Philosophiques du monde entier rapportés par Jean-Claude Carrière. Habituellement, le terme de « contes philosophiques » me donne envie de rebrousser chemin car c’est un genre dont le ton appuyé, l’intention de donner des leçons produit souvent des textes ennuyeux et « voulus » (ce n’est que mon avis !). Ici, c’est tout le contraire : histoires courtes, du conte à la blague, racontées avec le brio qu’a Jean-Claude Carrière pour s’exprimer. Si l’on connait sa voix, on a l’impression en lisant qu’il est présent et qu’il conte à haute voix. Le premier comme le deuxième tome sont des régals. (en photo le deuxième tome)
Un texte très court (78 pages) sur la maladie contractée à son travail par le père du narrateur. Ce que j’ai aimé dans cette écriture, c’est que sous l’apparente pauvreté émotionnelle du texte, l’auteur, en nous livrant la stricte description des faits et gestes des protagonistes, sans à aucun moment ne juger quiconque, nous laisse toute la place pour mobiliser notre propre émotion et penser par nous-mêmes.
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Merci pour ce très beau récit qui sonne comme une petite nouvelle. Ce glissement de l’intérêt obligé pour le livre à lire pour l’école vers l’intérêt pour l’histoire du garçon qui porte le prénom noté à l’entrée du livre, vers le prénom du héros et le croisement avec le mot secret, c’est inventif et formidable.
Merci
Aliette
Merci Aliette.
Contente que l’histoire t’ait plu.
Lors de cet atelier, on a effectivement plus de temps pour dérouler une histoire un peu plus longue.
Joseph te remercie pour ta lecture 🙂