Ma philosophie

– C’est loin ?
– Oui, c’est encore loin. Ça fait comme si on allait jusqu’à la lune, tu vois là-haut dans le ciel ? Et quand un nuage passe, ça rallonge le chemin.
– Pourquoi ?
– Parce qu’on n’y voit plus très clair, alors on tourne après le carrefour pour attraper la lumière et laisser l’ombre derrière. Le chemin est immense comme tu vois.
– Tu sais, j’ai un peu peur.
– De quoi ?
– J’ai peur de me perdre, j’ai peur du noir, j’ai peur de me tromper de chemin, j’ai peur quoi.
– C’est normal.
– Pourquoi ça serait normal ? Il y a bien des gens qui se jettent à l’eau sans savoir si elle est froide ou pas.
– La question n’est pas là. Elle est ailleurs.µ
– Elle serait où la question ? Sur la lune ? Au bout du chemin ?
– Qui a dit que la lune était au bout du chemin ?
– On dit bien « viser la lune », non ?
– Oui viser, et pas atteindre.
– Je ne te suis pas.
– Bien heureusement, parce qu’on n’a pas le même chemin. On en partage un bout mais on n’a pas le même destin.
– Ça ne m’avance pas ce que tu viens de dire.
– Je sais mais c’est comme ça. Parfois on avance, parfois on s’arrête, on prend le temps et parfois aussi, on court après le bus.
– Tu ne veux pas me dire pourquoi ?
– Pourquoi quoi ?
– Pourquoi on dit « viser la lune » ?
– Ça ne me fait pas peur.
– Ben alors, dis, au lieu de faire des détours.
– T’en penses quoi toi ?
– Chais pas. Peut-être que quand on regarde en l’air, on trouve de l’inspiration, un peu comme les poètes. On dit souvent que la lune est leur muse.
– On s’en fout un peu, non, des « on dit ». Toi, tu dis quoi, tu penses quoi ?
– On a le droit de dire ?
– Tu as le droit de dire et j’ai le droit de t’écouter ou pas.
– C’est jamais simple les conversations avec toi, j’t’assure.
– Ah enfin, un avis bien à toi.
– Tu leur prends la tête comme ça à tes élèves aussi ?
– J’aimerais bien les bousculer un peu plus, leur insuffler une forme de liberté d’expression mais bon, cette génération me dépasse un peu.
– Tu n’y crois plus ?
– Si mais je ne sais plus par quel chemin prendre. Je suis un peu perdu.
– Monsieur le prof de philo perdu ! Et en une pirouette, la situation s’est inversée et tu n’as pas répondu à mes questions. C’est fabuleux !
– Quelles questions ?
– La question de « viser la lune », la question de surmonter ses peurs, toutes les questions qui me fusillent le cerveau.
– Ah oui, toutes ces questions. Et ? Tu as trouvé des réponses ?
– Ben non, je te demande et tu bifurques.
– Les réponses sont en toi, moi, je ne peux juste que pointer du doigt une direction et encore, je pourrais t’indiquer n’importe quoi.
– C’est ça, encore une impasse à ce que je vois.
– Peut-être pas. Pense à l’éclat d’une brindille.
– L’éclat d’une brindille ? C’est quoi ce plan maintenant ?
– C’est beau, tu ne trouves pas ?
– Je sais pas, c’était pas la question !

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