Retour de flamme

Il n’y avait plus lieu d’allumer la lanterne. Pourtant il faisait encore bien sombre. Elle se souvenait qu’ils aimaient l’obscurité, la partager. Elle leva les yeux au ciel, une pluie d’étoiles filantes et des flammes fragiles tremblantes qui rejoindraient le soleil le lendemain sûrement.
Elle crut voir sur cette plage le reflet de son cœur mais ce n’était que le mirage de son ego. Il fendait les flots aussi vite que le vent le portait. Les larmes ne lui venaient pas.
Allongé dans l’herbe, la tête dans la main, il commençait son coloriage. Un mandala pour canaliser son trop plein d’émotion. En effet, la jalousie d’Adrien faisait des dégâts. En ouvrant les volets ce matin, un sublime paysage s’était offert à lui : des lanternes à bout de souffle, s’étirant de plus en plus haut. Il en avait croqué une ou deux avant qu’elles ne disparaissent, puis il avait fait un essai avec les deux artichauts posés sur le banc de l’abribus qu’il avait vus quelques jours auparavant. Deux âmes en peine avait-il pensé alors.
Son esquisse terminée, sa gorge s’était nouée. Il fut pris par cet essai. Un milliard de souvenirs lui remontaient en mémoire et plus particulièrement ceux qui se passaient la nuit.
Son cœur battait de plus en plus fort, son visage rougit fortement, ses poings se refermèrent. La colère revenait à son paroxysme. Oui, ce jour-là, il lui avait mis une sacrée châtaigne. Qu’est-ce qu’il faisait là ce type avec elle ? Il ne fallait pas le prendre pour un lapin de sept jours ! Ils avaient un deal elle et lui, un pacte même qu’ils avaient signé à la mairie.
L’autre était parti d’un air patibulaire, mais elle aussi, elle l’avait planté, là. Son regard voulait juste dire : qu’est-ce qui t’a pris ? Ces choses-là ne se font pas.
Il en était là, il avait tout casé, tout colorié. Sa peine ne s’était pas atténuée, elle s’était encore plus installée. Il aurait voulu réussir à lui parler, ne pas se laisser transporter par sa terrible jalousie. Elle avait brisé le pacte en le quittant.
Adrien se remémorait leur rencontre, la façon qu’ils avaient de se réchauffer. Il n’y avait qu’elle qui savait. Il pensait qu’il était le seul à savoir. Donner et recevoir. Encore et toujours. Ils se l’étaient promis.
Ce jour-là, leur couple fusionnel s’était scindé. Une explosion nucléaire, un point de non-retour.
Sur une plage, loin d’Adrien, elle était assise sur du sable doux, chaud et fin. Le regard froid contemplant l’horizon, elle ne se défaisait pas de cette idée fixe : il n’y avait plus lieu d’allumer la lanterne.

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