Au temps des Vikings, il n’y avait pas de téléphone, et c’était mieux comme ça, non ? Moi, j’ai un talent fou pour me fâcher au téléphone. « Souvent pour des conneries », clamaient en chœur mon père et ma mère.
Hier, je suis allée rendre visite à ma sœur. J’ai cru voir qu’elle était, encore une fois, chagrinée. Pourtant, je m’étais juré de ne rien dire. Je suis repartie, la laissant seule avec son vrac à l’âme.
Prise de remords, je l’ai appelée ce matin pour lui demander si elle voulait me parler. Elle m’a raconté son rêve.
– J’étais revêtue d’une robe blanche, immaculée ; je marchais sur un sentier bordé de fleurs parfumées. Au bout du chemin se trouvait ma vie ; un champ de ruines carbonisées, d’échecs sentimentaux, de déchéance de maternité. C’est alors que m’est apparu le Saint-Esprit.
– Ah ! OK, OK, ai-je répondu.
Cette révélation m’a inquiété au point de téléphoner au médecin de la famille, notre frère.
– De nouveau, elle a cru voir le Saint-Esprit, ai-je expliqué. La dernière fois, tu ne m’as pas écoutée comme tu écoutes Johnny Hallyday. D’ailleurs, n’est-ce pas lui qui allume le feu en fond sonore ? Allô , Tu m’entends ? Je compte maintenant sur toi. Dans pareil cas, un médecin normal prescrit des calmants, n’est-ce pas ?
– Tu y vas fort, a-t-il répliqué. C’est votre histoire de frangines, ajouta-t-il. Pas la peine d’en faire une montagne.
– Non, j’exagère pas, j’ai gueulé. Ta sœur, enfin, notre sœur est folle. F.O.L.L.E. Elle s’enferme dans ses délires. Elle chante à tue-tête son bonheur d’avoir les pieds dans l’eau fraîche lorsqu’elle patauge dans les flaques, en maillot de bain et charlotte sur la tête. Non mais, tu imagines ? Pff, suis-je bête, tu ne la vois jamais. Et pour finir, elle me hurle à l’interphone de ne pas remettre les pieds à la maison de papa et maman. Tu te rends compte ? Alors, on fait quoi ?
Mon frère a laissé échappé un soupir et conclu : « Au temps des Vikings, on l’aurait trépanée ».