Elle a l’oeil sombre, soyeux, velouté et serein, frangé de longs cils. Une couronne de mouches palpite près de son iris. Avec sa queue trop courte, elle essaye de les chasser.
je me souviens qu’enfant, pendant les vacances, quand nous allions chercher du lait à la ferme, ma sœur et moi, nous emportions toujours un mouchoir humide pour nettoyer les yeux des veaux qui s’emparaient de nos doigts pour les téter. La fermière hochait la tête en riant: « ces parisiennes, elles sont folles ». C’etait un peu ça, Marie-Antoinette à Trianon! N’empêche, j’ai toujours adoré les vaches….
Elle bouge doucement la tête, suivant les jeux des chèvres qui gambadent sur l’alpage. Elle me laisse gratouiller le toupet de poils clairs entre ses cornes. Un ami nous prend en photo et dit: « eh les deux blondes! » Elle, son pelage est plutôt gris souris. C’est une vache des Dolomites, puissante et patiente qui approche son mufle chaud de mon visage, écartant délicatement ses cornes acérées.
La terre est ronde, les parfums enivrants, à quoi bon se faire du soucis.
Ô mes chères Dolomites, ces troupeaux dolents ont le même air immuable et protecteur que vos flancs basanés. C’est là que nous irons musarder, peut-être même bien randonner et, fatigués, affamés, nous nous arrêterons à mi-pente pour pique-niquer et dans l’alpage verdoyant, le soleil court d’une échine à l’autre, comme dans une peinture de Boudin.