Engloutis

Sous ses pas, le sol est mou. Il a plu pendant des jours et la terre aride, asséchée depuis des mois, n’a pas pu tout boire. Comme un estomac rétréci soudain gavé, elle a tout recraché. Alors l’eau a cherché d’autres réceptacles, a fait grossir les rivières, dévalé les rues, rempli les caves, noyé les jardins, emporté les meubles et les objets.

Pendant deux semaines, ceux qui sont restés se déplaçaient en barque. Ils se servaient du toit des abribus comme débarcadères. Lentement, l’eau est partie, laissant derrière elle des kilos de boue et de désespoir. Partout la même ligne sous laquelle rien n’avait subsisté. Ne restaient que des murs ventrus et sales qui tenaient à peine debout. Beaucoup se demandaient comment reconstruire. Les pertes étaient matérielles, on essayait de relativiser. Mais pour certains c’étaient trente ans de souvenirs perdus dans les flots. Partir ? Vendre ? Mais qui achèterait en zone inondable ? Et avant, il fallait remettre en état, mais avec quel argent ?

Le lotissement douillet des années 90 se transformait en prison. Une île dont le rétrécissement progressif condamnait ses habitants à rejouer l’Atlantide.

Ce n’était que le début. Partout où l’Homme avait écrasé la Nature, elle préparait sa revanche.

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