La lettre

Le dernier envoi était le bon.

J’étais arrivée haletante à la boite aux lettres en criant au facteur qui relevait le courrier de m’attendre. Il avait pris ma lettre en riant. Il avait un beau sourire, doux et espiègle à la fois.

« Ca doit être important pour que vous courriez si vite ! » m’avait-il dit !

Ca l’était.

Tout dans cette lettre l’était. J’avais posé tant de mots sur ces feuilles blanches, tant de mots pour expliquer l’inexplicable. Feuille après feuille, j’avais construit l’histoire du passé, celle que j’avais gardé sans trop savoir qu’en faire. Comme ces objets que l’on conserve « au cas où », sachant pertinemment qu’ils ne serviront pas. Mais bon, on les garde ! Comme un vieux souvenir réconfortant, un vieux pull bouloché qui tient chaud malgré tout.

J’aurais du me sentir légère d’avoir enfin donner la clé qui ouvrirait le tiroir secret. Mais ce n’était pas le cas.

Le ciel était orange en cette fin de journée. L’air était si doux, si apaisé que le doute ne trouvait pas de prise.

Je me sentais libre, téméraire.

Je me suis assise à une terrasse . J’ai commandé un verre de rosé. Le rosé va si bien à l’été, à sa paresse, sa légèreté.

J’imaginais ma lettre voyageant de train en train, d’avion en avion pour arriver enfin entre tes bras d’enfant. Qu’en feras-tu ?

La liras tu goulument ? La mettras tu de côté de peur de gacher l’instant ? Tu souriras probablement en reconnaissant l’écriture.

Tu sauras alors. Au premier regard tu sauras. Que la clé est là, dans cette enveloppe, derrière les mots, les phrases, virgules et points d’exclamation.

L’espace d’une fulgurance je me dis que j’aurais du te la lire plutôt que de te l’envoyer? Pour ne pas briser le charme. Pour toujours te captiver.

Raconter des secrets n’est pas un métier. Il faut leur donner vie, ajouter de la matière, du corps.

En dégustant mon rosé le nez au vent, sur cette place de village ombragée et bucolique, je sais que tout est à sa place. Mon verre, mon corps, mon horizon et mon hier. Et toi au milieu.

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