Au son du saxo

Nous, ça n’existe plus. Tout est devenu vide. C’est désormais comme saisir le vent dans ses mains et tenter, tant qu’on peut, de ne plus lâcher.
Pour tourner la page, écumer les clubs de jazz, verser une larme au son du saxo, esquisser un sourire lorsque les applaudissements tarissent.
Les gens s’entassent dans ces caves. Sont-ils effrayés, sont-ils perdus, sont-ils éperdus ? Chacun vient avec soi, seul, et sans attache, recherchant Susan désespérément, ou peut-être Louis. Se laisser transporter, se laisser transcender. Avoir l’espoir fou de repartir avec le cœur plein.
La nuit est tombée depuis longtemps quand Charlie sort du club. Il traverse le parc après le pont. Il entend l’eau cogner sur la rive plus qu’il ne la voit. Ce son monotone le berce. La tristesse le quitte peu à peu. Tout est question de partir. Thelma l’a quitté il y a quelques jours sans grande explication. Juste une phrase courte et sans appel : nous, ça n’existe plus. Et puis, plus rien.
Heureusement que la musique existe et qu’elle existera toujours. Elle a aidé Charlie à franchir les étapes de sa vie, à passer outre les obstacles et les trop hautes haies de ronces et d’épines. Une chanson, une parole, un pansement, un soulèvement. Un tout pour arriver éventuellement à un « Y a de la joie ». Parce que oui, même si Thelma lui avait soufflé « tu oublieras », Charlie était resté très longtemps sur un donne-moi ton cœur.
Il avait été énormément perdu par les premiers signaux, les premiers cris, les SOS. Les colères qui étaient montées, les « bouge de là ».
La passion avait abandonné Thelma. Tous les « ne me quitte pas » n’avaient pas suffi. Elle avait fait son sac et dedans, elle y avait mis le 33 tours de leur rencontre.
Charlie avait cherché ce vinyle des jours durant. Puis comprit qu’elle était partie avec sous le bras. Toute la symphonie de leur vie à deux résumée dans ce 33 tours aux couleurs vives. Un 33 tours qui leur avait ouvert tous les possibles.
Charlie ouvre un livre de recettes pour se faire des spaghettis alle vongole. Il fredonne pendant que l’eau bout un « je te survivrai » pour se donner de la force et du courage. Les pâtes sont prêtes. Pour se sortir de cette chanson de la tête, il place sur le tourne-disque un morceau instrumental un peu jazz pour y trouver les outils pour avancer et continuer à viser la lune, parce que ça ne lui fait pas peur.
Post-scriptum :
Faire de nouvelles rencontres. Vivre de nouvelles expériences. Les garder secrètes, juste pour soi ou les partager au monde entier. Mettre des barrières. Soulever des barricades. Jeter un pavé dans la mare. Crier à pleins poumons. Monter le son. Rechercher la sérénité. Déjeuner en paix. Dormir sous un tilleul. Partir un jour. Aimer jusqu’à l’impossible. Écrire une chanson, parce que le beat est bon. Lancer la cavalerie, le poing levé vers l’avenir.

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