Pieds nus dans l’herbe

Florence ôte ses chaussures, pose ses pieds nus dans l’herbe. Un papillon virevolte et s’approche d’elle, hésite à se poser sur sa robe à fleurs. Est-ce un leurre ? Ces fleurs lui paraissent pourtant appétissantes.
Dans son cabas, Florence fouille et sort un livre qu’elle avait sur sa liste depuis de nombreuses années : La nuit des temps.
Le livre fermé dans les mains, elle regarde au loin, à la recherche d’un ailleurs. Elle est présente au sol mais sa tête est au bord d’un océan.
Le soleil s’étire derrière les nuages printaniers, elle aurait peut-être dû s’installer à cheval, à la fois à l’ombre d’un arbre protecteur et à la lumière éblouissante des rayons d’une étoile.
Florence cherche dans son sac quelque chose qui pourrait lui servir de marque-page. Dans une poche zippée qu’elle n’avait jamais utilisée, elle trouve une photo ancienne. Dans le ciel, la trace d’un avion ou d’une cheminée, peut-être même les volutes d’une cigarette. Une seule personne regarde fixement l’objectif, sans sourire, un colis sous le bras.
Florence se demande ce qu’il pourrait y avoir dans ce paquet. Était-ce le facteur ? Pourquoi l’aurait-on pris en photo le facteur d’ailleurs ? C’est sûr, il fait partie de notre quotidien, mais pour qui est-il vraiment visible ? Il est porteur de bonnes ou de mauvaises nouvelles. Alors, il passe, glisse des plis, s’enfuit pour qu’on ne le tienne pas responsable des messages déposés.
Florence observe de plus près. Cette personne sur la photo ressemble-t-elle à quelqu’un qu’elle a connu ? L’écriture au dos est effacée, elle n’arrive à distinguer que quelques lettres et deux chiffres espacés d’une date. Difficile de trouver un indice ainsi.
Elle ouvre le livre et glisse la photo au début du chapitre 1. Elle pose le livre à côté de sa hanche droite, place ses mains à plat derrière son dos et lève la tête vers le ciel qui déchire son manteau cotonneux. Le soleil force son passage. Des jeux d’ombres et de lumières se forment sur les jambes nues de Florence. Elle sent la douce chaleur l’envelopper.
Au loin, des cris d’enfants qui courent, qui jouent au ballon. Florence reste suspendue aux bruits environnants. Elle s’imprègne de la vie tout autour.
Qui est cet homme sur la photo ? Son grand-père ? Elle ne pense pas, elle ne reconnaît pas ses traits. Elle laisse glisser.
Florence n’a pas commencé le livre. Encore une fois. Elle ne veut pas du mot nuit, ni du temps qui s’alourdit. Elle profite de ce jour, ses pieds nus dans l’herbe, pour ne plus voir les heures défiler.

Ce contenu a été publié dans Atelier Papillon. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire