Bleu

Elle ouvre un œil, puis le referme. Le rêve commence.

Le téléphone bleu comme ses draps résonne dans le vestibule.

Elle ouvre un œil, le téléphone bleu comme la nuit s’arrête. Elle a rêvé.

Personne ne l’appellera.

Ses yeux bleus s’embueront de larmes solitaires.

Elle retournera dans son rêve, pour y entendre des sonneries, un appel, des mots, un espoir.

Le lendemain elle se réveille. Elle sourit au miroir, la taille affinée dans un bustier bleu comme ses yeux. Aux oreilles des bijoux de la même couleur.

Bleu.

Elle se rappelle que son père et sa mère la disaient très ou trop belle pour être aimée.

Bleu. Couleur de la peur qui la surprend lorsque le téléphone bleu du vestibule hurle en pleine nuit. Lorsque ses yeux restent ouverts, lorsque le sommeil la fuite.

Bleu. Comme l’écran de l’ordinateur qui la relie au monde.

Bleu. Comme le bureau sur lequel elle tente de briser la solitude.

Sur son profil, elle se décrit comme DeepBlue, la blonde bleutée en quête d’amitiés profondes.

Bleu. Comme l’écran qui reste désespérément monochrome. L’accroche-coeur est en panne.

Bleu. Comme l’encre du stylo avec lequel elle pose sa vie à plat, sur un grand cahier.

La souris blanche demeure muette. Elle ne clique pas sur les messages qui n’arrivent pas.

DeepBlue retourne dans ses draps bleus. Elle s’échappe dans ses rêves.

La souris s’est transformée en jeune homme au pyjama rayé de vert. Une erreur de casting, sans doute.

Sur son profil elle a insisté pour que seuls les amateurs de bleu lui répondent.

Or lui, il a été malin ; bleu et blond, ça crée du vert. Un homme bleu avec une belle blonde, et vous obtenez un jules en pyjama vert.

Il n’est pas spécialement beau, mais il se dit seul et en manque de moitié.

Après tout ce n’est qu’un rêve, se dit-elle. Elle ne risque rien. S’il ne lui plaît pas, elle se réveillera, et il disparaîtra.

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