Devant son miroir, elle répétait inlassablement : j’ai une liste de choses à faire, choses à faire, choses à faire. Mais démarrer est le plus difficile. Tandis qu’elle regardait ses lèvres prononcer cette phrase en boucle, son esprit partait en balade. Des trains, des paysages qui défilaient, des routes qui suivaient le train, des voitures qui suivaient la route. Des lignes, encore des lignes, toujours des lignes. Bon sang, quel ennui. Elle rêvait de couleurs, de formes, d’odeurs. Comment représenter tout ça dans une liste de choses à faire ? Peindre une liste mais quel artiste avait réussi la prouesse de faire une œuvre d’art de listes ? Avait-on des livres de listes ? Il y avait bien l’annuaire téléphonique mais c’est une histoire un peu mince. Un film de listes ? Ça n’avait pas de sens. Des musiques de listes ? Peut-être les notes pourraient-elles chanter les listes ?
Dans sa tête, les listes dansaient une sarabande chaotique ; des mots, des notes, des fleurs, des couleurs, des odeurs, des formes, tout se fracassait dans un tourbillon échevelé. Elle se dit qu’il fallait commencer à mettre de l’ordre, classer les choses, c’est ça : dresser une liste ! Elle se pencha vers le miroir, aperçu Gide qui fleurtait avec Emma Bovary, Tolstoï qui discutait avec Chagall, une rose qui embrassait Ronsard, des avocats en robe noire qui enfermaient des policiers dans un palais, la justice qui se révoltait, et sa liste qui s’envolait. Finies les angoisses, finie la procrastination. Elle ouvrit la porte et s’enfuie retrouver ses rêves au fil des saisons.