Pèlerinage

«  Sonia, tu ne vas tout de même pas retourner là- bas! » Ta mère avait sans doute raison mais tu voulais revoir la maison, retrouver le village. Tu y pensais depuis des semaines. Ton frère avait eu la même réaction. «  Non Sonia je ne t’y accompagnerai pas , souviens- toi on a du s’enfuir, tout quitter, tu as oublié ? Ce n’est pas une bonne idée, crois- moi! »

Pourtant  te voilà assise au fond de ce taxi qui cahote sur un chemin  de pierre, un vieux taxi cabossé, tout rafistolé, de couleur aubergine. Tu as mal au dos, il fait chaud. Le conducteur dodeline de la tête, lâche de temps à autre une injure  lorsqu’il croise un chien errant ou un vieux chameau malingre. Tu te demandes ce que tu fais là, tu te demandes pourquoi tu es revenue tant d’années après, tu te dis que tu coures peut-être après ton enfance, les yeux levés vers ce ciel si bleu et le cœur plein de souvenirs. Tu n’as jamais oublié l’odeur des ruelles ocres, l’odeur des animaux, les odeurs de cuisine, de transpiration et de sol mal lavé. Il va bientôt être midi et tu imagines que tu poses ta valise sur le carrelage un peu cassé, ta grand-mère t’appelle «  on va déjeuner Sonia, dépêche – toi » . Le taxi s’est arrêté «  on est arrivé, c’est bien là que vous allez ? « Il a l’air étonné.
. On a ajouté un grand hangar en béton sur le côté, masquant la cour ombragée où tu jouais avec ton frère et tes cousines, oú Fatiah s’asseyait le soir pour fumer à l’abri des regards. Tu aurais voulu  sentir les  jasmins et laisser leur pollen frôler tes cils. Il n’y a plus de jasmins, un laurier tout rabougri faufile ses branche entre quelques chaises boiteuses qu’on a abandonnées le long du mur. Même la porte bleue a disparu.
Tu restes plantée lá , tu entends des gens parler dans une langue que tu ne comprends plus. Un coq traverse la cour, il te fixe de son œil rond. Tu ne sais pas quoi faire, entrer, demander si tu peux aller jusqu’à la chambre au fond, la petite chambre tapissée de minuscules roses. Un enfant ,lui aussi , te regarde depuis un moment alors tu t’éloignes le plus vite possible . Au bout du chemin tu t’assieds sur une pierre brûlante et tu pleures.

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Une réponse à Pèlerinage

  1. Sylvie W dit :

    Comme d’habitude, une vraie histoire; ce sont des images qui se succèdent qui racontent cette histoire autant que les mots. Bravo!

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