Mon âme est aussi terne que ta femme…

Cachée au fond de la lande, l’auberge éclaire la nuit noire. Georges et Henri s’y retrouvent tous les vendredis soirs. Ils se racontent leur semaine, ils partagent leurs espoirs, ils consolent leurs chagrins. A la fin, ils se diront « A lundi ! ». Et le premier soir de la semaine venu, ils s’inviteront à se revoir le lendemain. Quelques canons plus tard, ils auront oublié qu’ils s’étaient juré de boire un peu moins.

Un vendredi, mais cela pourrait être n’importe quel autre jour, Henri affiche une mine sombre. Les guirlandes électriques que le thénardier a laissées pendouiller ne dérident pas. Georges, un bonnet rouge vissé sur la tête, le dévisage.

– Hé Riton, t’as la gamberge ? Viens, on va demander une poulette au barman. Garçon, z’auriez pas une belette à réchauffer ?

L’homme interrompt son inhalation de rhum et articule difficilement

– Mon âme est aussi austère que ta femme. Laisse-moi. Je n’ai pas l’esprit à la gaudriole.

– T’as dit quoi le Riton ? Tu connais ma femme ?

– Non ! Enfin, si. Un peu.

– Attention, le gars ! Tu t’embourbes…

– A… A la messe ! Je l’ai vue à la messe. Je l’ai reconnue ; c’est une grande perche hissée sur des talons hauts. C’est bien ta description, non ?

– C’est quoi ce merdier ? Tu vas à la messe, toi ? Depuis quand ? Et puis, ma femme… ?

– C’est bien elle, non, avec des bas résilles et un chapeau bleu. Elle accompagne chaque fois de nouveaux messieurs. C’est son rôle dans la paroisse ? Georges ?! Eh, Georges ! A quoi tu songes ?

– Oh, rien. Thénardier, une autre !

– Une autre quoi, Monsieur ?

– La même chose que lui.

– Vous êtes sûr ?

– Pourquoi tu fais cette tête-là, toi ? Y’a quoi dans son rêve ? Une spé ?

– Eh bien… Rhum, whisky, coca surmonté d’une larme de pastis.

– Ah… non, ça va m’arracher le gosier, ce truc. On va rester sur du classique. Une grenadine, chef, avec une paille, s’il vous plaît.

– Et des cacahuètes, Monsieur ?

– Ouais, ça ira. J’ai du temps à tuer.

C'est un peu par hasard que j'ai découvert le plaisir d'imaginer des histoires. D-Ecrire des vies. Et j'ai trouvé avec Cécile et Philippe, et tous les participants, de quoi cultiver l'enchantement. Merci à tous.

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