Le soleil s’appelait Annick

Le jour se levait à peine quand Romain sortit de l’écurie. La porte entre-baillée sur cette aube hivernale laissa entrevoir la clarté blafarde de la lanterne qui faisait comme un voile duveté sur les croupes des deux juments : Caline, la pie noire & Gelinote, la baie.

Romain devait les atteler en tandem sur le char de grève ; car, en ce jour de grande marée, il les descendrait, accompagné de la Marie, Louisette & du Gaston, pour le varech.

C’était une, ou deux fois par mois, une opération essentielle pour la marche de la ferme. Il fallait remonter deux tombereaux de l’estran jusqu’à ici à une lieue. Avant la remontée de l’eau.

Les juments étaient calmes, & l’on entendait seulement leurs souffles profonds & heureux dans le restant d’avoine ; ainsi que les claquements amortis des sabots dans la paille des litières. L’odeur du foin frais, du crottin & des chevaux venait se mêler à celles de la basse-cour toute proche, ainsi que de la porcherie.

Tout cela était la vie de Romain. Il en était profondément imprégné. Cela ne constituait pas pour lui une cage faite de barbelés, car il savait que tout mènerait vers le soleil, le sien qui éclairait sa vie depuis presque toujours. Celui-ci s’appelait Annick, & même si elle était encore loin  de lui, là-bas de l’autre coté du traick, il savait tout à fait, qu’un jour, c’est elle qui tiendrait la bride d’une des juments.

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