Tom a été assigné au projet « donuts ». Il est en charge de la nouvelle campagne de publicité qui sortira avant Noël, pour annoncer l’arrivée des donuts « Donobun » en France. Tenter de faire manger des donuts aux français, vraiment ? Et en plus à Noël, contre toutes les traditions de bûches, macarons, sablés au citron et autres chocolats fourrés ? Là, c’en est trop. Avant même d’avoir quitté la salle de réunion, ou plutôt la « creative meeting room » comme l’indique le panneau sur la porte, il a envie de jeter l’éponge. Il a envie de se rendre dans le bureau du big boss et de lui dire ce qu’il a sur le coeur. Mais ça non plus, Tom ne le fera pas. Il n’a pas le cran pour ça. Alors, que lui reste-t-il à faire ? Plancher. Plancher jusqu’à 23 heures s’il le faut, pourvu qu’il sorte la fameuse campagne de « Donobun ».
Il a besoin d’air. Tom dévale les escaliers et déboule devant la Samaritaine. Quelques pas au bord de la Seine lui feront le plus grand bien. Donut, donut… Comment pourrait-il tourner sa publicité ? Parler du goût sucré ? Surtout pas ! La tendance est au bien-manger. Cibler les enfants ? Pour se faire tirer les oreilles par le Ministère de la Santé, merci bien, surtout après le reportage d’Enquête Exclusive d’Ophélie Meunier sur l’obésité chez les jeunes. Voyons, voyons… Parler du trou du donut, et cibler les grands enfants ? So « beauf », et on se ferait dézinguer par les internautes et la campagne serait détournée par les Pornhub et consorts.
Trouver une idée. Les donuts = les américains = le gras = le plaisir coupable = le mal. Pas le choix. Tom va prendre un gros risque, ce sera quitte ou double. « Dans la vie, il faut savoir être clivant » lui rabâche son manager chez Buzzman. Tom s’assied sur un banc à demi tâché de bière de la veille, sort son fidèle calepin, et commence à griffonner. « Donobun, pour ceux qui ont lâché le steak ». Allez, c’est parti : bienvenue aux : locavores, bobos, nutritionnistes, végétariens, écologistes, éducateurs. Autant y aller à fond dans le contre-courant, car cette friandise n’a rien pour se défendre. Résigné et satisfait tout de même, Tom remonte à pas de loup jusque dans son open-space.
Au moment de franchir le seuil, il tombe nez-à-nez avec Victor, le stagiaire arrivé lundi. « Salut Tom, la forme ? ». Dis-donc, ce petit jeune se sent déjà très à l’aise. Ca a bien changé les stages. Tom ne prend pas la peine d’ouvrir la bouche, et acquiesse gentiment. « Au fait, Tom, le big boss m’a chargé de te dire que finalement c’est moi qui reprends la créa de Donobun; il a besoin d’un esprit neuf et disruptif ».